Des jeux et des hommes

Quelle est la principale différence existant entre les garçons et les hommes ? Le prix des jouets !

Ce qui apparaît ici comme une blague recèle en fait la nature profonde du masculin : le jeu. L’homme aime jouer ; l’homme sain prend tout comme un jeu : les sports, certes, mais aussi le travail, la politique, l’économie et ses amours. Même la sexualité. De là à dire que les hommes sont de grands enfants, il y a quand même une marge ?

La nature du jeu
Le jeu se définit comme une activité physique ou intellectuelle non imposée et gratuite, à laquelle on s’adonne pour se divertir et en tirer un plaisir. N’est-ce pas là l’idéal de tout homme : faire ce qu’il veut, quand il le veut, sans que quoi que ce soit ne lui soit imposé par qui que ce soit, avec comme seul objectif : avoir du plaisir. N’allez pas croire toutefois que l’homme prend tout à la légère, car pour lui le jeu, c’est sérieux : c’est une activité soumise à des règles, généralement conventionnelles, impliquant un gagnant et un perdant, et dans laquelle l’homme démontre ses talents physiques ou intellectuels. C’est le meilleur, ou celui qui connaît le mieux les règles, qui gagne, même si parfois le hasard intervient. Jeu d’enfants, jeu d’adultes, jeu d’esprit, ce n’est qu’un jeu, jouer le jeu, hors-jeu, d’entrée de jeu, jouer gros jeu, les jeux sont faits, avoir beau jeu, jeu de jambes, double jeu, le jeu de la concurrence… sont probablement toutes des expressions inventées par les hommes pour signifier leurs différentes façons d’être au monde.

Jeu de garçons, jeu de filles
Les filles jouent aussi, mais pas du tout de la même façon : alors que les filles jouent à des jeux de rôles (poupées Barbie et Ken, médecin et infirmière, papa et maman…), les gars préfèrent les jeux de règles : deux équipes, un ballon et l’établissement de règles, celles du soccer, du baseball, du basketball ou du ballon volant… La définition précise des règles de ces différents jeux donne naissance à de nombreuses disputes ; mais les garçons semblent avoir autant de plaisir à discuter les règles qu’à jouer le jeu. Par contre, pour éviter que jeu ne dégénère, les garçons ont inventé une fonction : l’arbitrage. L’arbitre est généralement celui qui connaît le mieux les règles et qui les applique.

Tous les psychologues vous diront que les enfants apprennent par le jeu : les filles apprennent donc à être en relation, les garçons à être en action. Les filles modifient facilement les règles pour que toutes les joueuses trouvent plaisir à être ensemble. Pour les garçons, les règles sont sacrées ; chacun doit les connaître et les respecter : pas question de les modifier pour ménager la susceptibilité de l’un ou l’autre joueur. Et quand le jeu est terminé, ils passent à un autre jeu. C’est pourquoi les hommes en général mettent l’accent sur l’avenir (trouver un nouveau jeu), plutôt que sur le passé (essayer de trouver leurs erreurs passées pour ne pas les répéter ou faire plus attention à l’avenir).

Jeu et masculinité
C’est ainsi que, tout au long de l’enfance et l’adolescence, les hommes s’initient au conflit et à la concurrence tout en jouant. D’après Jacklin et Maccoby•, les hommes apprennent l’importance de la résolution des disputes et se dotent de compétences dans ce domaine. Ils apprennent à jouer, et à se battre, avec leurs amis et avec leurs ennemis. Leurs jeux requièrent la coordination d’activités de nombreux individus ; ils apprennent ainsi à diriger, à organiser, à structurer. Comme ces jeux se déroulent surtout à l’extérieur de la maison, les hommes apprennent aussi à séparer l’intérieur de l’extérieur, leur vie professionnelle et leur vie intime, même s’ils ont tendance à valoriser l’extérieur. Les hommes sont ainsi mieux préparés que les femmes à faire face au monde des affaires, à la vie économique et politique, monde dans lequel existent toutes sortes de règles implicites et où la compétition est de mise.

Travail et jeu
L’apprentissage par jeu de rôles (pour les filles) et jeu de règles (pour les garçons) explique pourquoi les hommes et les femmes ne travaillent pas de la même façon. Pour l’homme, un travail d’équipe de qualité s’exprime par un minimum de communication (directives, rencontres, synthèses…), alors que la femme juge la qualité de l’équipe au nombre d’interactions entre les membres de celle-ci et au bien-être de chacun. Les hommes peuvent travailler côte à côte, en silence, pendant de longues périodes. Pour lui, le travail à accomplir, l’objectif à atteindre est plus important que le bien-être physique ou émotif des membres de l’équipe. Les hommes établissent les règles et demandent aux membres de l’équipe de les respecter, alors que les femmes modifient facilement les règles pour améliorer l’harmonie ou atteindre un consensus. Pour les hommes, le résultat (gagner la partie) compte plus que la manière d’y parvenir.

Pour l’homme, donc, le travail est un jeu dont il faut apprendre les règles : ce sont ceux qui connaissent le mieux les règles, ceux qui ont les meilleures compétences, qui gagnent. S’il y a des gagnants, il y a évidemment des perdants. Les perdants apprennent de leurs erreurs et se disent qu’ils feront mieux la prochaine fois. Dans le monde des hommes, le mot erreur possède un synonyme : expérience. Pas question de mettre les règles de côté parce qu’elles blessent quelqu’un ou pour faire plaisir à quelqu’un, serait-ce une femme. Ces règles sont établies pour faciliter les interrelations, sauvegarder le groupe et assurer la plus grande liberté individuelle de tous. On le voit bien, le jeu est une affaire très sérieuse pour les hommes, jeu dont nul n’est censé ignorer les règles, même si elles sont tacites et non écrites. La première règle de tout jeu est donc que les règles doivent être prises au sérieux, très au sérieux. Et nul (et nulle) n’est censé ignorer les règles, mêmes si elles sont implicites. Une règle de travail très importante est de mettre les émotions de côté, sinon le jeu risque de mal se terminer ou se terminer trop vite car plus personne n’a de plaisir.

Jeu et relation homme-femme
S’il existe tant de conflits de couple ou de guerres entre les sexes, c’est dû à l’ignorance des règles implicites utilisées par l’autre sexe. Selon Adrienne Mendell, si les femmes cessaient de vouloir imposer leurs propres règles (variables comme leurs humeurs) aux hommes et se mettaient à observer les hommes pour les comprendre, elles vivraient certainement plus d’intimité avec eux et réussiraient bien mieux dans le monde des affaires parce qu’elles pourraient utiliser ces règles du jeu à leur profit. D’un autre côté, si les hommes mettaient plus de souplesse dans l’application ou l’explication de leurs règles, il y aurait probablement moins de conflits et moins de guerres. S’ils comprenaient que les femmes ne fonctionnent pas selon ces mêmes règles, ils vivraient certainement plus d’intimité et de complicité avec elles.

Les femmes comprendraient aussi pourquoi l’homme élabore peu sa réponse à la question « Comment cela a été au travail, aujourd’hui, mon chéri ? ». Alors que l’homme répondra que tout a bien été, cette question amènera la femme à raconter non seulement ce qu’elle a fait, mais aussi ce qu’elle n’a pas eu le temps de faire, ce que les autres ont fait ou auraient dû faire, ainsi que toutes les pensées qu’elle a eu au courant de la journée sur une multitude de chose. Pour l’homme, quand la partie est terminée, rien ne sert de revenir sur les bons ou mauvais coups, mieux vaut préparer la prochaine partie.

Jeu et illusion
Les hommes aiment jouer, et les gagnant sont ceux qui connaissent le mieux les règles du jeu. Les hommes cherchent continuellement à maîtriser ces règles et, malheureusement, s’illusionnent parfois sur leurs capacités de contrôler le jeu, comme on peut le constater dans le jeu pathologique. Il est significatif que la majorité des joueurs pathologiques soient des hommes. Leur goût du risque se transforme souvent en témérité qui les pousse à jouer avec la mort, leur mort. Il est tout aussi significatif que les sports extrêmes aient été développés par des hommes et soient pratiqués par des hommes à la recherche des sensations provoquées par la production d’adrénaline qui les pousse à aller au-delà de leurs limites. D’un autre côté, c’est ce goût du risque qui a amené les hommes à traverser les mers, à vaincre la pesanteur pour inventer l’avion et la fusée… toujours à la recherche de nouvelles sensations provoquées par un nouveau jeu.

• Résultats rapportés par Adrienne Mendell, Travailler avec les hommes, InterÉditions/Masson, Paris, 1997.
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Yvon Dallaire est conférencier et auteur canadien de nombreux livres sur les relations homme – femme : http://www.optionsante.com/yd_livres.php. Il est co-créateur de la formation professionnelle en psycho – sexologie appliquée (FPSA) avec le Dr Iv Psalti : http://www.formationsexologue.com, formation réservée aux intervenants en thérapie conjugale.

Yvon Dallaire est Membre de Psycho-Ressources.
https://www.psycho-ressources.com/yvon-dallaire.html


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