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« Droits de visite et garde alternée »

de Dominique Brunet,Ph.D. Docteur en psychologie
Psychologue clinicienne et psychothérapeute, France


« Droits de visite et garde alternée »

Psychologue clinicienne, je reçois nombre de jeunes mamans qui, séparées ou divorcées du père de leur(s) enfant(s) viennent en consultation parce que le ou les enfant(s) présentent toute une série de symptômes à la fois physiques et psychologiques plus alarmants les uns que les autres quand ces enfants sont mis sous le régime de la garde alternée ou quand ils rentrent d’un séjour au domicile paternel, que ce séjour soit court comme un week-end ou long comme trois, quatre jours ou plus.
Bien entendu, nous ne parlons pas des familles chez lesquelles la séparation ou le divorce des parents se font à l’amiable, en toute bonne intelligence et de façon responsable envers leurs enfants. Nous ne parlons donc pas de ces pères et mères qui font un effort pour ne pas mêler leurs querelles d’adultes à la vie de leurs enfants, qui conservent un tel sens de leur devoir parental, qui éprouvent un tel amour pour leurs enfants, qu’ils font tout pour rendre la vie de leurs enfants aussi paisible, aussi heureuse que possible. 

Nous ne parlons donc pas de familles dans lesquelles le père aussi bien que la mère assument parfaitement leur rôle de parents aimants et responsables. 
Nous parlons uniquement de familles dans lesquelles au moins l’un des parents pose problème et qui, par son comportement inadéquat envers son ou ses enfants, provoque des troubles graves chez les petits. 

Qu’est-il arrivé à ces malheureux enfants ?

Leur père et mère se sont séparés ou ont divorcé, soit l’enfant n’était pas encore né, soit il était nourrisson ou un peu plus grand. En général, la mère s’est séparée du futur père ou du père pour des raisons, toutes ressemblantes et qui, parmi les plus fréquentes, sont : la non-acceptation de la grossesse par le futur père, sa violence physique et, ou verbale envers femme ou,et enfant, son alcoolisme, sa vie de « célibataire » prolongée, son irresponsabilité, son égoïsme, son manque de sensibilité envers la famille qu’il a crée.
Donc, ces enfants à naître ou qui grandissent ont des parents qui s’entredéchirent avec au moins un des deux qui n’assume pas ou mal son rôle de parent aimant et responsable. Le plus souvent, la figure parentale déficitaire se trouve à être le père et, toujours en général, la ou les causes de la séparation des parents ou des futurs parents se retrouvent dans les déficits de personnalité de ce même père.
Pour le malheur des enfants, après la séparation, la demande de ces pères, toujours la même, est: « avoir » l’enfant, le « partager », quand ce n’est pas retirer carrément l’enfant de sa mère pour en obtenir la garde totale.

Plusieurs remarques d’importance capitale s’imposent à nous, adultes responsables et concernés par le bien-être des enfants.

1) Quand on parle de « partage », ce qu’on semble oublier, c’est qu’il s’agit d’un être humain, pas d’un objet, de meubles ou d’une part de gâteau. 
L’enfant à « partager » est un être vivant qui sent, perçoit, qui éprouve des émotions, des sentiments, des besoins ; qui plus est, parce qu’il est petit, ses émotions, sentiments, besoins sont différents de ceux d’une personne adulte. Qu’est-ce que cela veut dire?

Jeune être en période de croissance physiologique et de développement psychologique, en particulier cerveau qui continue à se structurer et développement formatif à travers les apprentissages, les adaptations, la découverte du monde alentour, ses émotions, ses sentiments, ses jeunes pensées sont fragiles; lui faire du mal, le traumatiser, le déstabiliser, est donc aisé car il est sans défense aucune et sans ressource pour se protéger; ses besoins sont multiples car, précisément, il est entrain d’apprendre, de découvrir le monde alentour. 
On imagine déjà l’impact désastreux, catastrophique même, pour certains enfants plus sensibles que d’autres, que va avoir une adaptation à deux ou plusieurs foyers avec « transplantation » chaque sept jours(cas de la garde alternée) alors que, à un si jeune âge, on a plus que tout , besoin de sécurité, de protection, de STABILITE pour se développer harmonieusement. 
Les dommages sont particulièrement grands quand cette alternance de foyers est imposée. Dans ce cas-ci, l’adulte est sans considération pour les besoins ou les demandes de l’enfant; l’enfant devient donc alors victime. 

2) Dans cette idée de « partage équitable » de la présence physique de l’enfant, est inclus, sans qu’on y porte suffisamment d’attention, le partage du temps, temps diurne et nocturne, ceux-ci déterminés par la Cour, que l’on attribue à chacun des deux parents et que l’enfant a obligation de passer avec l’un puis avec l’autre, en alternance.

Or, premièrement, la notion de temps n’est pas la même pour l’enfant et l’adulte. Pour l’enfant, la longueur du temps se vit au rythme des émotions. Il est heureux, le temps est court; il est malheureux , le temps est long. Cela, tout le monde le sait. 
Imaginons-le passer un jour entier avec un père dont il a peur parce que ce père avait l’habitude de crier après lui et de le battre quand il vivait avec la mère : c’est une éternité ; alors, qu’adviendra-t-il si, en plus, on lui fait passer une nuit, deux nuits, sept nuits d’affilée auprès d’un parent qui le terrorise! L’enfant devient malade.

Car, deuxièmement, simultanément au temps infiniment long, passé loin du parent protecteur, quand on se sent abandonné de lui, s’ajoute l’angoisse de la nuit ou des nuits passées auprès du parent qui fait peur, dans un endroit où l’on se sent menacé.
Nous savons déjà, tous, que la nuit provoque naturellement un sentiment d’angoisse, de peur que nous apprenons à maîtriser au fur-et-à-mesure que nous grandissons. L’être humain de tout âge phantasme au sujet de la noirceur, angoisse et peurs s’éveillant à l’imaginaire. On voit des formes, des ombres menaçantes. On entend des bruits insolites. On imagine de terribles situations, des géants, des ogres, etc… . Les enfants s’amusent d’ailleurs à se faire peur la nuit parce que les frayeurs devenant plus intenses, le frisson est encore plus grand. 
Alors qu’arrive-t-il au petit enfant qui, non seulement se sent abandonné de son parent aimé et est inquiet car il ne comprend pas ce qui lui arrive, doit en plus passer cette période si propice aux peurs, aux visions monstrueuses et aux idées effrayantes, que représente la nuit, loin de ses repères familiers: il devient encore plus anxieux; si ce régime se prolonge sans qu’on porte attention à ces frayeurs obsédantes, l’enfant développe des phobies.

3) Vivant entre des parents séparés qui se déchirent, ces malheureux enfants, quand ils sont forcés d’aller en visite ou partir en garde chez le parent posant problème, présentent tous une multitude des symptômes, symptômes que de nombreuses mamans, autant en détresse que leurs enfants, nous rapportent. Quels sont ces symptômes?

Que ce soit de retour du week-end chez le parent non maternant (père en général ; il arrive que ce soit la mère, mais c’est plus rare), d’une semaine de vacances ou de la semaine de garde alternée chez ce parent, l’enfant revient à chaque fois en présentant une multitude de symptômes signifiant un déséquilibre dans sa vie de relation et dans sa vie psycho-affective. Il lui faut en général deux à trois jours, quelques fois plus, pour que certains de ces troubles se dissipent auprès du parent maternant. Quelques fois, les troubles ne disparaissent pas: l’enfant devient alors très malade. C’est lui que l’on verra dans nos cabinets de consultation, amené par une maman affolée et en colère à la fois.

a) Troubles de la vie de relation signifiant un déséquilibre de l’organisme : 

  • troubles du sommeil avec réveils nocturnes, cris, cauchemars, hurlements ou refus de s’endormir. En général, la difficulté de l’enfant à s’endormir s’accompagne de symptômes psychologiques appelés peurs, peur de la noirceur, peur de se retrouver seul quand il se réveille (à relier à l’angoisse de séparation, quand celle-ci s’opère à son insu, de l’être aimé, voir infra).

  • troubles de l’appétit ( refus du biberon, régurgitations, picorage, anorexie, ou contraire boulimie) s’accompagnant de nausées et, ou de vomissements.

  • perte du contrôle des sphincters (énurésie, encoprésie) quand ce contrôle a été acquis auparavant ou bien retard dans l’apprentissage à la propreté ; parfois, coprophagie.

b) Troubles dans la vie psycho-affective signifiant un ou une série de traumatismes répétés dans sa vie psychique :

  • changements de l’humeur avec colère, agressivité, nervosité, agitation.

  • repli sur soi avec humeur triste et taciturne. 

  • conduite de négation avec refus, refus de faire ce qu’on lui demande, refus d’aller à l’école quand d’âge scolaire.

  • Manque d’attention, de concentration, rêverie, absence d’écoute : ce qui explique la possible chute dans la performance scolaire si d’âge scolaire avec parfois, perte des acquis antérieurs ; ce qui rend compte aussi d’un possible retard dans les apprentissages scolaires. Cette absence dans la fixation de ce qui se passe autour de lui, s’apparente à la perte du contact avec le réel.

  • Perte du contact avec la réalité : souvent est mentionné le regard « vide » de l’enfant quand il revient chez le parent maternant, son comportement « bizarre », errant de pièces en pièces comme pour se rassurer. Parfois, l’enfant s’enquiert auprès de son parent, tout en s’en inquiétant, si la chambre qu’il occupe est bien sa chambre, les jouets qui s’y trouvent sont bien ses jouets, le petit frère ou la petite sœur, sont bien son petit frère ou sa petite sœur. L’enfant redécouvre « son chez lui » qui n’est plus tellement « son chez lui » puisqu’on lui fait mener une vie d’allers et de retours dans plusieurs endroits (il arrive que l’enfant n’est pas toujours hébergé à chaque séjour chez le parent non maternant, mais chez ses grands-parents, oncles, tantes ou amis) donc de déséquilibre, de perte des repères, de perte d’identité et du sens de l’appartenance, les frontières entre le moi et le non-moi, ce qui est à moi et pas à moi s’estompant : il doit se réadapter à chaque fois, retrouver ses repères, reconstruire une identité morcelée, en voie de dépersonnalisation, de déstructuration.

  • Angoisse d’abandon : nous l’avons mentionnée plusieurs fois. Le jeune enfant se sent abandonné par le parent qui le materne, le protège, lui assure sa sécurité, lui donne amour, affection, tendresse mais qui, du jour au lendemain, l’envoie ou le laisse partir, parce qu’il en a été décidé ainsi par la Cour, avec un parent qui fait peur, ou presque inconnu ou avec qui il ne se sent pas bien. L’enfant pense alors qu’il n’est plus aimé, que sa mère ne veut plus de lui. Désemparé, il est si triste qu’il peut arriver à croire que c’est parce qu’il est « vilain » ou pas assez gentil que sa maman le punit, lui fait du mal en l’envoyant chez un parent qui l’effraye! 

  • Absence de confiance en soi : La perte du contact avec la réalité due aux changements récurrents et aux ajustements imposés lors de la rupture des rythmes bio-psychologiques conjuguée à l’angoisse d’abandon entraînent l’apparition de l’incertitude et du doute. Chez le jeune enfant, ce manque de confiance en soi se manifeste de façon particulière : on parle d’un enfant inquiet, qui ne « sait pas ce qu’il veut », changeant, « capricieux ».

c) Symptômes psycho-somatiques quand les troubles physiques et psychologiques culminent en intensité et, ou en chronicité.

  • éruptions cutanées (eczéma, zona ou autres), asthme, maux de ventre, céphalées, convulsions.

d) Déficits ou retards dans les apprentissages.

  • apprentissage à la parole : le bégaiement peut apparaître ; apprentissages à la lecture, à la dextérité fine (dessins,écriture), au calcul ; apprentissages à la propreté (se laver, se brosser les dents), aux bonnes conduites (bien se tenir à table, dire merci, bonjour etc…).

Que dire en conclusion? 

Si, dans l’idéal, le principe de « partage équitable » du temps passé avec l’enfant entre mère et père est logique dans une démocratie, à chacun sa part de présence physique d’enfant et donc, sa part de temps passé avec l’enfant, ce principe en devenant loi applicable à la famille doit tenir compte non seulement des droits du père et de la mère mais aussi de leurs devoirs respectifs de parents aimants et responsables ce qui suppose, on semble l’avoir oublié, porter attention AU BIEN-ETRE PHYSIQUE ET PSYCHO-AFFECTIF DES ENFANTS.

En particulier, en ce qui concerne le « partage des enfants », cette loi sur l’autorité parentale partagée ignore d’autres lois, celles-là vitales, lorsqu’il s’agit d’un petit être en formation. Ces lois sont celles qui régissent le comportement humain. 

Cette loi ignore de plus une réalité qui ne peut être occultée, la réalité psycho-biologique.
Lois du comportement humain et réalité psycho-biologique doivent être respectées quand il s’agit d’un être humain, qui plus est, se trouve être au stade bébé ou petit enfant, donc en période de développement, requérant donc tous les égards dûs à sa fragilité.

Une des lois du comportement humain veut que lors qu’il y a présence chez un petit enfant d’un ou de plusieurs des symptômes énoncés ci-dessus, cet enfant est en situation de stress dû à la présence d’un danger ou faisant suite à un traumatisme. Il requiert alors soin, attention, avec mise à l’écart de la situation qui provoque ces symptômes. 

En général, chez un petit enfant, le danger et le trauma est représenté par la séparation de l’être cher, aimant, celui que l’on sent, que l’on perçoit comme le protecteur, avec qui l’enfant se sait, consciemment ou inconsciemment, en sécurité. C’est le plus souvent la figure maternelle ou maternante ; ce peut être le père mais cela est plus rare encore à cette époque-ci de notre évolution socio-psychologique.
L’enfant se sent ou se perçoit donc comme abandonné par celle qu’il aime et qui l’aime, qui le protège, qui est attentive à ses besoins d’amour, d’affection, de sécurité, de confort, qui donne les câlins, qui prend le temps d’être avec lui (jeux, promenades et autres activités). 

Il se sent et se perçoit comme abandonné si, de « l’autre côté », l’autre parent ne remplit pas un rôle identique de protecteur, de mise en sécurité, d’élan d’amour, d’affection, de tendresse, de partage de temps, d’activités, d’écoute.

C’est ce qui arrive avec les enfants que l’on voit en consultation : d’un côté, il y a tout, de l’autre côté, il y a peu ou rien de positif, de bon pour l’enfant ; d’un côté, il y a amour, tendresse, affection, de l’autre, il y a violence, irresponsabilité, égoïsme. Passant son existence d’un monde si différent à l’autre en alternance, l’enfant est complètement déstabilisé, « perdu » ; il devient malade.

En recommandations, 

Étant donné que, dès la mise en place des octrois de garde et de visites,

  • la nuit auprès de ce parent 

  • la garde alternée

  • les séjours longs

sont des aberrations psycho-biologiques donc, que cette mesure s’applique au détriment du bien-être physique et psychologique des enfants quand ceux-ci se trouvent dans les situations où le parent non maternant est soudain investi d’un rôle et d’un pouvoir qu’il ne sait pas maîtriser à cause de ses propres inadéquations qui ont, en général et au préalable, mené à une séparation des parents, que faut-il faire pour éviter de fabriquer artificiellement des déséquilibrés, des psychopathes, des hypochondriaques, des névrosés qui ne le seraient pas devenus si l’on avait respecté leurs beoins, leurs sentiments, leurs désirs, leurs aspirations quand enfant lors de l’attribution des droits de garde et de visites?

  • 1) Pour la Cour, donner crédit aux rapports des psychologues, pédiatres et pédo-psychiatres quand la situation parentale est conflictuelle et que le parent non maternant constitue un danger réel ou potentiel pour le bien-être tant physique que psychologique de l’enfant ou des enfants.

  • 2) Progressivement instaurer les changements dans la vie de l’enfant afin d’éviter le stress quand il y a rupture de son rythme de vie (en particulier les nuits sont à éviter dans un premier temps et le nombre des jours doit être progressif ; par exemple, ne pas commencer avec sept jours d’affilée)

  • 3) Exiger du parent inadéquat un suivi psychologique afin qu’il apprenne à devenir un parent aimant et responsable : a) le sensibiliser à la psychologie de l’enfant en se mettant au niveau de pensée et de réactions de son enfant en fonction de son âge (il est évident que l’on n’agit pas avec un nourrisson comme avec un enfant d’un an et demi, de trois ans, de six ans ou de neuf ans !), c’est-à-dire en respectant aussi bien les rythmes biologiques [heures de lever, coucher, sieste, heures des repas, de la toilette, habitudes alimentaires doivent être les mêmes dans les deux foyers]que le développement psychologique de son enfant, b)en demeurant bien à l’écoute de l’enfant sans toujours le bousculer et exiger de lui des comportements d’adulte, jouer avec lui, avoir des activités communes, c)lui inculquer un sens de l’abnégation et la compassion pour qu’il apprenne à mettre entre parenthèses ses propres exigences, habitudes, pulsions, besoins et désirs pour penser à ceux de son enfant durant le temps qu’il passe avec lui. Lui rappeler qu’un enfant ne demande qu’à être aimer : à lui de conquérir son cœur.

Dominique Brunet

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