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Psychologie et connaissance de soi.
Par Michèle-Rose Wainhouse
Psychopédagogue, Écrivain, 
Site Web: http://michelerosewainhouse.com/  

Ce texte ne peut être reproduit en totalité ou en partie sans autorisation de l'auteur..

Psychologie et connaissance de soi.

Ce n'est qu'après de nombreux et douloureux échecs, ressentis comme un mal-être récurrent, à moins qu'il ne soit permanent, s'ajoutant à une forte résistance aux changements et à de multiples tergiversations, que nous arrivons un jour - presque contre notre gré - à renoncer à notre projet le plus cher : changer les autres et le monde. C'est parce que nous avons dû reconnaître que c'est à nous seul qu'il revient de changer notre perception des autres et du monde, comme de l'interprétation que nous faisons des situations et des évènements de notre quotidien.

Néanmoins, le processus intérieur qui conduit à une perception nouvelle du monde, des autres et de soi-même répond à une quête bien plus vaste et bien plus profonde que tous les symptômes dépressifs de mal-être le laissaient supposer. Car le mal-être est la manifestation d'un questionnement impératif et répété, concernant l'identité de l'être et de sa relation avec tout ce qui fait son monde. Ce mal-être se manifeste toujours par des réactions d'intolérance, de frustration ou de colère face aux comportements et aux agissements des autres et aux situations imprévues qui interfèrent avec les habitudes confortables du statu quo. C'est l'impossibilité d'assouvir la rage ressentie contre le monde qui fait qu'elle change d'objet ; elle se retourne alors contre le corps, et l'impuissance et la faiblesse trouvent leur accomplissement dans la maladie. Mais comme changer sa réaction à sa propre interprétation de ce qui est perçu requiert un élargissement des limites que l'esprit s'est imposé à lui-même, il devra donc commencer par une remise en question du système de croyances tout entier. 

La croyance fondamentale, sur laquelle toutes les autres reposent, est que l'esprit s'est réellement séparé de ce qui le constitue : son propre principe. Ainsi, se croyant autonome, l'esprit tente de se singulariser en apposant des limites à son extension naturelle, afin de contrôler et de gérer lui-même ses capacités créatrices. Ces limites, qui ont été définies inconsciemment et consciemment, divisent l'esprit en 'dedans' et en 'dehors'. Cette division institue alors un système de penser mystificateur dont découle la perception. La projection, due à cette division de l'esprit, va donc fabriquer un monde qui devient la 'preuve vivante' de la dualité de toutes choses. Dès lors, les problèmes qui sont perçus au-dehors, qu'ils soient familiaux, de voisinage ou mondiaux, entretiennent dans l'esprit divisé de chacun une version erronée de lui-même, car il est obligé de choisir entre les deux pôles d'une réalité qu'il croit duelle. L'allégeance à l'un des deux camps étant requise, il doit appliquer ses lois et surtout les défendre. Et comme il n'a pas d'autre choix que de s'identifier à son système illusoire, il doit s'opposer aux lois adverses, puis les combattre car il croit que sa vie même en dépend. L'idée qu'il se fait de lui-même est, nécessairement, elle aussi divisée ; c'est pourquoi, bien que chacun recherche sincèrement les raisons de l'amour, il ne trouve finalement que des justifications à sa haine. La lutte incessante dans laquelle il est engagé est jalonnée de victoires, brèves et à l'arrière-goût amère, mais surtout de défaites dévastatrices. Il tente généralement de s'en accommoder et, quelque fois, il y parvient, pour un temps, en se séparant encore, comme si la tyrannie perçue au-dehors ne le concernait pas personnellement.
A l'inverse, le regard psychologique ne peut que se tourner au-dedans pour découvrir comment ces croyances opposées, qui fondent ce système de penser destructeur, enferment l'esprit dans un cadre de références bipolaires d'où il est impossible d'échapper. En tant que moyen thérapeutique, la psychologie classique a pour principal objectif d'amener le patient à ajuster ses perceptions, ses ressentis douloureux et son comportement afin de trouver des compromis qui lui permettront d'intégrer les lois familiales et sociales du monde dans lequel il semble évoluer. Dans ce modèle, le monde est dit objectif, 'au-dehors' et donc séparé du sujet. Si un patient devient 'patient', c'est parce qu'il se trouve confronté à un environnement qui semble requérir de lui qu'il se conforme à ses diktats et que son état de victime impuissante le fait souffrir ; il vient alors demander de l'aide. 

Une démarche psychologique classique, si cet hypothétique patient décidait de l'entre-prendre, révélera probablement les mécanismes inconscients qui cautionnent sa situation de victime et il est probable qu'elle arrivera à les déjouer, mais elle ne changera pas la nature intrinsèque du tyran. Elle rendra même celui-ci de plus en plus réel, car la croyance en un dedans et un dehors distinct n'aura pas été remise en question. C'est pourquoi la thérapie sera considérée comme aboutie lorsque le patient aura appris à faire les ajustements nécessaires afin qu'il s'accom-mode de sa perception de dualité et que, par une continuelle négociation, de nombreux compromis et sacrifices consentis, les situations conflictuelles de son quotidien deviennent acceptables et même 'harmonieuses' ; c'est alors qu'il est considéré guéri. 
Si on s'attarde un peu sur le sens du mot psychologie, on voit que ses racines grecques psyché et -logie signifie âme et théorie ; le terme psychologie signifierait donc théorie de l'âme. Toutefois, le dictionnaire Le Petit Robert y ajoute une définition plus précise, d'ordre philosophique : l'ensemble des phénomènes psychiques, considérés comme formant l'unité personnelle. En effet, c'est bien là, la fonction de la psychologie classique : elle est au service de l'unité personnelle, le moi, qui n'est autre qu'un système de penser égotique par lequel l'arsenal affectif du moi (émotions, sensations, sentiments) se substitue à la fonction réelle de l'esprit, qui seul est apte à se souvenir de son unité. En s'adressant aux phénomènes psychiques ou aux symptômes d'un affect douloureux, la psychologie classique ne peut que renforcer la croyance en la réalité d'un moi séparé et autonome, dont l'unique besoin est de prouver, au prix de sa vie, son identification fictive. 

Pourtant, si l'on considère le terme originel, théorie de l'âme, le mot théorie suppose une compréhension de ce qu'est l'âme. Si le mot âme est interprété comme étant l'unité personnelle, c'est-à-dire le moi, le système égotique en sortira conforté ; or, on vient de le voir, le mal-être provient justement de cette erreur là. Par contre, s'il est compris que âme signifie esprit, alors l'espoir peut revenir. Cependant, il ne peut s'agir d'un esprit personnel, car il n'y a pas d'esprit personnel, mais de l'esprit en tant que principe pensant, totalement conscient de lui-même, et dont l'unité ne peut être divisée puisqu'elle est sa nature même. 

Ce principe pensant n'est autre que le principe spirituel auquel l'identification établit la réalité de l'Être. Ainsi, cette théorie de l'esprit ouvre-t-elle une nouvelle voie au regard psychologique et lui permet de déplacer sa focalisation du moi à l'état d'Être. Car l'Être en chacun est même : il se connaît et se reconnaît lui-même dans sa perception non divisée. 

Vus depuis cette perspective unifiée, la situation personnelle de chacun, les agissements des autres ou les situations du monde n'ont plus qu'une seule intention, une seule signification : ils évoluent ensemble pour que prévalent les conditions de l'unité. Comme l'esprit, uni à son principe, est sans contradiction et sans conflit, celui qui aura pris la décision de s'y identifier sera nécessairement en paix. Quand la paix règne, c'est aussi parce que seul le bon est vrai, et les jugements ne servent plus à séparer et à condamner mais à réunir ce qui était artificiellement maintenu séparé. 

Ce nouveau regard psychologique servira donc à découvrir chacun des obstacles qui empêchaient cette perception unifiée d'un monde heureux, afin que le 'patient' puisse remettre en cause leur fondement, avant de décider de les dépasser. Quels sont ces obstacles ? Une multitude de croyances erronées, un système de valeurs basé sur ces croyances, des jugements pour les appliquer, des pensées de doute, de suspicion, de peur et, surtout, la haine de soi qui en est le résultat. Mais le plus grand des obstacles à surmonter sera certainement l'attachement obsessionnel à l'idée de soi-même comme étant un corps. 
En fait, c'est par l'importance accordée au corps au détriment de l'esprit, que se fait l'identification au système de croyances égotiques, donc au concept du moi. Car bien que le corps soit une image imparfaite, vulnérable et mortelle, il est au service des objectifs d'un moi, produit d'un système de penser mystificateur, qui se veut singulier, autonome, juge et maître de lui-même dans sa toute puissance, parce qu'il se croit l'auteur de la réalité dont il a lui-même défini les limites. Bien peu le reconnaisse consciemment, car c'est le secret le mieux gardé, mais chacun en paye le prix et il est très élevé. C'est donc à cela que le corps sert : tuer l'esprit identifié au corps, puisque seul un corps peut souffrir et mourir. 

Mais l'Être, dont l'esprit est Un avec sa Source, est entier et éternel. Il attend que l'esprit qui se croit séparé parce qu'il s'identifie à son corps, se réveille de son rêve de mort en acceptant et en aimant enfin sa réalité.

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