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Le silence du psychanalyste

Par Saverio Tomasella, Psychanalyste
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Silence ou mutisme?
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Beaucoup d’encre à coulé sur cette question du silence de l’analyste, question qu’il convient le plus souvent de laisser en suspens et à l’appréciation de chaque praticien, de chaque cure, de chaque séance.

Cela posé, il n’est pas inutile de redire l’importance d’une certaine qualité de silence, palpable et extérieur tout autant qu’impalpable et intérieur, silence qui est une des principales clés de l’accueil, du non-savoir, de la présence du psychanalyste, par là, de son écoute, de ce que cette écoute permet comme rencontre et comme échange, de ce qu’à travers son écoute il puisse entendre ce que lui dit - ce que se dit - l’analysant(e), ce qui se dit là dans l’espace du transfert.

Si le silence est l’exigence première du psychanalyste dans le moment de la cure, de la séance, mais aussi hors de celles-ci, il n’est certainement pas un prétexte à figer des impasses, un instrument de pouvoir sur l’autre ou même la preuve donnée par le psychanalyste de sa compétence.

Face aux dérives possibles et avérées de ce silence prôné comme pierre angulaire du cadre de la cure, érigé parfois en absolutisme d’un nouveau genre, il convient aussi de rappeler avec force que silence ne veut jamais dire mutisme. Le mutisme est un symptôme qui, dans la clinique psychanalytique, est étroitement lié à la surdité, à la dénégation, au déni. Voire à l’abus, au viol, au meurtre psychiques.

Le mutisme de l’analyste (tout comme son bavardage) s’enracine dans une analyse non assez approfondie en ce qui le concerne, en une position fixatoire qui peut en arriver à se justifier d’idéologies, de dogmes, de théories psychanalytiques, de principes d’écoles, pour camoufler l’abus de position dominante dont il se rend ainsi coupable, pour masquer son incapacité ou son refus d’entendre ce qui se joue, se trame ou se dit de part et d’autre de l’inter-transfert, cette relation dynamique où s’explicitent peu à peu les perceptions, les affects, les représentations, les fantaisies, les peurs, les douleurs, les souffrances, les désespoirs, les doutes, les interrogations, les inventions, les créations, les aspirations, les espérances, les rêves et les désirs de l’analysant(e).

Le mutisme est contraire à l’esprit de la psychanalyse.

Reste, alors, à savoir dans quelle mesure la psychanalyse (plus largement, et à plus forte raison, toute thérapie, toute thérapeutique) ne peut pas, parfois aussi, rendre le malade encore plus malade, le dépressif encore plus dépressif, le fou encore plus fou…

Question redoutable puisqu’elle ébranle jusqu’aux fondements mêmes de nos certitudes, mais question que l’on ne peut pas ne pas se poser, car quel praticien n’aura pas rencontré ces patients rendus étrangers à eux-mêmes, déboussolés par un « travail » qui les aura enfermés dans un ailleurs qui n’est pas le leur, dont ils ne savent que faire, dont ils ne peuvent sortir ?

Preuve d’emprise s’il en est, dans ce lieu qui devrait pouvoir défaire toutes les emprises, passées et présentes ?

"Éloignement de soi" provoqué par la psychanalyse ?

Chaque praticien répondra pour soi-même, pour pouvoir répondre aussi de l’autre, cet autre qui vient à elle ou à lui, qui vient afin de défaire la mort dans son existence et être un peu plus du côté de la vie.

Saverio Tomasella
(fédération des ateliers de psychanalyse)
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