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Quand l'épreuve
devient vie

Par Johanne de Montigny, Psychologue
Préface de Marie Laberge
Éditions Médiaspaul
- http://www.mediaspaul.qc.ca/ 
Québec, Canada 

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QUAND L'ÉPREUVE DEVIENT VIE

SOMMAIRE

L’annonce et la traversée d’une maladie grave, l’accompagnement, la mort et le deuil plongent ceux qui les vivent dans l’inconnu : là où les certitudes habituelles pâlissent pour faire place à la détresse. Psychologue renommée, Johanne de Montigny aborde ici les questions qui lui sont le plus fréquemment posées par les grands malades et par leurs proches. Elle le fait avec une profondeur et une originalité issues de son expérience de survie à un écrasement d’avion, événement dévastateur après lequel elle a mis quelques années à se rebâtir, et qui l’a amenée à se spécialiser en soins palliatifs. Attentive aux forces inattendues que libère la fragilité, à la faculté de rebondir dans l’épreuve, à l’espace d’intimité que peut ouvrir la maladie et à «cette formidable interdépendance humaine» que révèle la souffrance, elle cherche et trouve en chacun la part laissée intacte par son propre «crash» de vie. 

L'AUTEUR

Johanne de Montigny est psychologue. Elle œuvre depuis plus de 20 ans en soins palliatifs et en suivi de deuil, à l’Hôpital général de Montréal ainsi qu’en cabinet privé. Conférencière reconnue au Québec et en France, elle traite avec une grande humanité des thèmes de la souffrance et de la résilience. .


EXTRAIT

Comment composer avec le sentiment d’impuissance devant un proche mourant ?

Ce terrible qui t’advient, comment le porter avec toi, et vers où ?
Gabriel Ringlet

Le sentiment d’impuissance se manifeste en l’absence de solution désirée et défi nitive, comme enrayer une douleur récalcitrante ou prononcer une parole qui guérit. À ce sentiment s’ajoute l’impression d’être inadéquat, incompétent ou dépassé par la situation. Mais devant la mort, on n’a pas la même puissance que celle déployée pour aff ronter les problèmes de la vie courante : tout se crée sur-le-champ. Impossible de renverser la donne, le spectre de la mort bloque les rapports coutumiers. Le malaise est palpable. Les mots sont pauvres ; toutefois, le lien peut se solidifi er, même dans une atmosphère trouble. Présence, écoute, compassion sont les clés pour déverrouiller l’impasse. Le silence est d’or, il enveloppe la rencontre. Le calme est au rendez-vous. Il reste encore beaucoup à off rir : la tendresse. « Elle est, cette Tendresse, aérienne comme l’air dont je me nourris, et il suffi t de laisser respirer la force d’amour en soi pour s’en emplir et la donner à vivre... C’est une lumière que seule la pensée perçoit, une lumière produite par le soleil de l’âme et qui inonde le cœur de l’être... Tout le pouvoir d’amour diffusé dans l’espace circule alors en soi (36). »

L’éveil de la spiritualité nous délivre du sentiment d’impuissance.  Le temps est précieux, les lieux sont sacrés. Le langage des mains s’accorde au rythme du souffl e. On vit à deux le labeur des derniers moments : la mort ne sera pas violente. Être là est une chance, et elle n’est pas donnée à tous. La conjoncture est en cause, même si « le hasard est le nom que prend Dieu s’il veut voyager incognito » (Albert Einstein). Pendant que la vie extérieure se tient entre parenthèses, la vie intérieure prend de l’expansion. Rien d’autre n’existe que cette rencontre d’âme à âme, dénuée de faux fuyants.

Les regards s’arriment, se posent, se noient dans un nouvel espace qui borde l’horizon. Le matériel disparaît, seuls les symboles, les métaphores et les intuitions circulent avec fluidité. C’est la montée vers l’âme. Attendre patiemment la fi n, ne plus la craindre, l’espérer même, jusqu’à l’épuisement. 
Le savoir-être ici prend le relais de l’activité devenue impossible. Être là, juste être, telle est la mission au chevet du mourant. Il faut épargner au proche gravement malade trop d’actions aux alentours ; même le bruit des mots cède sa place au son de la nature et des pas. Le chant à une voix s’entend comme berceuse. Particulièrement si l’être aimé s’engouffre dans un coma. Ne reste alors que le murmure d’une prière ou l’expression pure de son affection. Le mystère est total, impénétrable. L’expérience est forte, et même si quelque chose de semblable se déroule ailleurs, elle est unique. La grande aventure exige le guet, la veille.

Le processus de mourir s’accélère, puis s’appesantit dans cet espace hors du temps. Le mouvement du balancier entre « va ton chemin » et « ne me quitte pas » règle le tic-tac du travail de trépas. Étrange sensation, entre le grandiose et l’absurde. Grandiose à cause du moment sacré auquel le proche assiste, et rendez-vous absurde parce qu’il est le dernier.

Sans relâche, l’accompagnant négocie avec deux sentiments contradictoires : le désir d’être témoin de la dernière heure et l’envie de disparaître au moment crucial. Le sentiment d’impuissance engendre aussi le sentiment de culpabilité. Les « trop tard et trop tôt », « si j’avais su », « j’aurais donc dû », « si jamais », « s’il fallait », « si seulement il... » ou encore « si je le pouvais... » sont les pensées envahissantes qui prennent d’assaut l’accompagnant qui ne peut s’empêcher de les transmettre au mourant. « S’il fallait qu’il s’enfuisse sans répondre à ma demande de pardon. » C’est alors que la capacité de transcender la dure réalité vient à la rescousse du survivant : le pardon survient sans la supplication. Soudain, face au corps inerte, la peur et le sentiment d’impuissance disparaissent. Alors le dernier temps s’annonce : celui des adieux. Ce moment bien particulier où le mourant « repose » devant soi démantèle le mécanisme de déni qui se faufilait à travers l’accompagnement. Tout devient vrai : l’absence d’une vie et la naissance d’une grande peine. Difficile d’abandonner le corps. D’autres, des étrangers, vivront les gestes sacrés qu’off re la toilette mortuaire.
« Même perdue, sa vie n’est pas achevée. Il lui reste encore à passer le flambeau (37)... »

Note
(36) Mercier, Mario, La tendresse, Paris, Table ronde, 1995, p. 66.
(37) Burdin, Léon, Parler la mort. Des mots pour la vivre, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, p. 66.


CARACTÉRISTIQUES

Éditeur : Médiaspaul Canada
Collection : Vivre plus
ISBN : 9782894208168 (2-89420-816-2)
No de produit : 08168
Pages : 304
Date de publication : 2010-09-15
Prix : 19,95 $
Sujet(s) : Psychologie 

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Québec, Canada 
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