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La thérapie EMDR
Par Jeanne Gendreau, Travailleuse sociale
Montréal, Québec, Canada.

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La psychothérapie EMDR est une approche que j’ai découverte après plusieurs années de pratique. J’utilisais déjà des approches éprouvées et pertinentes et les changements que vivaient mes clients étaient relativement satisfaisants. « Il n’y a pas de miracle en thérapie, il faut travailler fort pour changer », est un énoncé qui a, la plupart du temps, servi de balises aux attentes des clients et des thérapeutes. 

C’est le hasard qui m’a amenée vers cette découverte étonnante que sont les thérapies par le mouvement des yeux (EMDR et IEMI/IMY). Était-ce une approche ésotérique? Le livre « Guérir » de David Servan-Schreiber n’était pas encore écrit et aucune collègue proche de moi n’en avait même entendu parler. 

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Immédiatement après ma première formation, encore un peu incrédule et hésitante, j’ai voulu vérifier par moi-même… et j’ai alors découvert une approche qui a complètement transformé ma pratique professionnelle. En effet, des clients que je voyais depuis longtemps, ont dit se sentir étonnamment bien après une seule séance, affirmant « je ne sais pas ce que vous m’avez fait aujourd’hui, mais je me sens différent ». 

Il est cependant difficile d’expliquer vraiment comment ces approches fonctionnent. Notre connaissance du cerveau est, semble-t-il, très limitée. Je peux quand même affirmer que ces thérapies donnent des résultats étonnants qui n ‘ont rien à envier aux autres approches, bien au contraire! Je vais donc tenter d’illustrer le plus clairement possible, ce qui semble se passer pendant ce processus. Je ne prétends aucunement faire ici un exposé scientifique, mais plutôt partager mon expérience. 

Depuis quelques années, la communauté scientifique s’est entendue pour affirmer que chaque personne possède un cerveau émotionnel aussi appelé amygdale. (Pour une explication claire et accessible, je renvoie le lecteur à ce lien : lecerveau.mcgill.ca).

En plus de contrôler les émotions, ce « cerveau amygdalien » est à l’origine de nombreuses fonctions comme l’appétit, le sommeil, le rythme cardiaque, la respiration, la température du corps, la libido, le système immunitaire, etc.

Ainsi, une image récurrente et/ou un flash pénibles, une sensation de souffrance non identifiée, une fatigue « inexpliquée », une phrase intérieure négative qui se répète, un sentiment intense d’angoisse, une accélération brutale du rythme cardiaque, une forte sensation de détresse sporadique ou permanente, sont quelques exemples des manifestations involontaires du cerveau émotionnel quand il a emmagasiné des événements de façon dysfonctionnelle. De tels souvenirs sont alors considérés comme des traumatismes. 

Quand on parle de traumatismes, on parle de déséquilibre, d’un bouleversement neurologique qui transforme notre interprétation des sons, des images, de l’affect et des sensations physiques. En conséquence, le traitement de l’information est altéré et il y a distorsion entre l’événement réel et la signification qu’on y accorde.

Notre cerveau émotionnel contrôle notre cerveau cognitif et donc notre volonté, mais, hélas, il semble extrêmement difficile pour ne pas dire impossible, pour notre « rationnel » et notre volonté d’influencer le cerveau émotionnel, comme si le processus était un « sens unique » de l’émotionnel vers le cognitif. 

Maintenant, avec les thérapies EMDR et EMY, une ouverture vers ce centre de contrôle qu’est notre cerveau émotionnel est possible. Nous pouvons donc ainsi accéder à nos mémoires dysfonctionnelles « implicites » (dans le cerveau émotionnel) et les réorganiser différemment. 

Pendant le processus, la personne revit, dépendant de sa forme de mémoire dominante (émotionnelle, physique, visuelle, auditive, kinesthésique.), les moments traumatiques reliés à l’événement mal emmagasiné dans sa mémoire implicite. 

Voici un exemple simple, mais qui illustre de façon concrète le processus : vous avez eu un accident d’auto alors qu’il neigeait, sur une route qui semblait dégagée. Depuis, chaque fois qu’il menace de neiger, vous appréhendez de conduire votre voiture. Si malgré tout vous parvenez à vous « raisonner », et que vous vous retrouvez au volant de votre voiture, vous êtes dans un état de terreur et d’angoisse intenses. Vous essayez de vous calmer, rien n’y fait : vous êtes persuadé que vous allez vers une catastrophe. Même si vous avez fait la même route plusieurs fois, alors qu’il neigeait et qu’il ne vous est rien arrivé, votre cerveau émotionnel a emmagasiné : « danger ». Il a fait un lien entre : auto+neige= Accident. Ou pire le lien fatidique : auto= accident. Et, pourquoi pas : auto= mort! Vous avez donc toutes les raisons d’ être paniqué!

Au début de la séance, dépendant de la « personnalité » du cerveau émotionnel de chacun, l’événement est revécu avec les émotions, les sensations et les pensées qui se sont présentées à ce moment-là. C’est comme si vous étiez dans un train à regarder le paysage défiler, mais que vous étiez également dans ce même paysage à vivre l’événement traumatisant. Vos réactions peuvent être plus ou moins intenses, mais l’événement prend progressivement une dimension différente à mesure qu’avance la séance. On ne perd pas la mémoire de l’événement, mais les liens déclencheurs de panique sont changés. Au lieu de penser : « je m’en vais systématiquement vers une catastrophe » , on peut penser, dans le cas de l’accident d’auto : « Cet événement est passé, maintenant je suis capable d’assurer ma sécurité ». Cette nouvelle perception diminue nécessairement la peur et l’angoisse.

Cette nouvelle cognition, cette nouvelle perception de l’événement s’intègre de façon écologique et naturelle. Sans forcer, comme une nouvelle évidence. Dépendant, encore là de la personnalité de chaque cerveau émotionnel, cela peut prendre plus ou moins de temps, mais un nouvel équilibre se fait. 

Après la séance, le cerveau continue le travail de façon étonnamment écologique. Il redistribue, re-façonne, ré-amalgamme, les « connections » reliées aux éléments dysfonctionnels de la mémoire. En fait, il fonctionne comme un four « auto-nettoyant » pour reprendre l’expression imagée d’une cliente. Les séances de thérapie déclenchent donc un processus qui se poursuit pendant les jours, les semaines et même les mois suivants. C’est donc un travail écologique qui se fait en douceur après les séances, même si souvent ces séances peuvent être intenses et difficiles: en effet, se regarder revivre un événement traumatisant demande beaucoup d’énergie et aussi… du courage! Mais ça en vaut la peine! Car laisser disparaître les fausses perceptions diminue obligatoirement les réactions douloureuses et indésirables.

Mais le changement le plus important est en fonction de la redistribution de l’énergie: que ce soit un traumatisme « récent » ou une blessure d’enfance lointaine (pour le cerveau émotionnel, le temps n’existe pas : un trauma peut dater de 30 ans, il a toujours le même pouvoir négatif ), les mécanismes d’adaptation de la personne demandent non seulement beaucoup d’énergie, mais une attention constante pour se donner l’illusion d’être « en contrôle » sur ce trauma ou ces blessures d’enfance. Une réorganisation globale et écologique de cet événement libère l’énergie et l’attention chez la personne et elle peut se développer en fonction de ce qu’elle est réellement et non plus en fonction d’événements douloureusement marquants. 

Mais encore là, tout dépend de tellement de facteurs que même après plusieurs années de pratique avec ces approches, je ne peux prévoir quel sera le processus, le rythme de changement des personnes qui me consultent. Aussi, à la question : « Combien me faudra-t-il de séances avant de ressentir un changement positif? », je réponds, avec l’expérience que j’ai maintenant : « Engagez-vous pour au moins 5 séances pour avoir le temps de sentir le processus et d’être guidé pendant le travail de réorganisation». Prévoir une première série de 5 rencontres est réaliste pour habituellement enclencher significativement et peut-être boucler un processus. Mais encore là, qui peut prévoir comment le processus d’intégration écologique d’une personne peut avancer? Aussi, même si ce processus thérapeutique est rapide, efficace et puissant, il est préférable de lui donner un minimum de temps pour se vivre…

Certaines personnes me demandent aussi : « Mais est-ce que ça peut marcher si je n’y crois pas? ». Et là, je peux répondre avec certitude : ça n’est pas un effet placebo et ça n’a aucun rapport avec le fait d’y croire ou pas. Le processus dépasse notre volonté cognitive. Sans que je puisse encore là expliquer pourquoi, j’ai vu des personnes « embarquer » rapidement dans le processus alors qu’ils n’y croyaient pas … D’autres qui y croyaient complètement mais qui prenaient plus de temps à l’ enclencher.

Pour qui la thérapie EMDR?

Ceux qui ont lu l’article depuis le début auront déjà compris que chaque personne peut bénéficier de l’EMDR. Quels que soient son vécu et ses symptômes. Voici quand même une liste non exhaustive des symptômes généralement traités de façon efficace par cette thérapie: les personnes souffrant de dépression situationnelle ou chronique, les personnes qui souffrent de phobies (simples et/ou complexes), les personnes qui font des attaques de panique, qui vivent des souffrances physiques chroniques, un sentiment de rejet, de timidité, un sentiment d’incompétence ou de non-réalisation, un sentiment récurrent de culpabilité, un sentiment d’imposture. Également, les personnes qui font des crises d’angoisse ou qui vivent de l’anxiété partielle ou généralisée. Il y a aussi les ruptures amoureuses non résolues, un deuil, (passé ou récent) etc. À cette quand même longue liste, on doit ajouter : la perte d’un emploi, le harcèlement au travail ou à l’école. Sans oublier les événements où une personne a été victime ou témoin d’ une agression comme un hold-up, viol, accident de toutes sortes, etc. 

Je voudrais faire une mention « spéciale » pour des événements qui ne semblent pas, à première vue des événements traumatisants, mais qui, répétés dans l’enfance ou à l’âge adulte, sont des facteurs d’inconfort qui peuvent être traités par la thérapie EMDR : les violences de l’enfance, qu’elles soient physiques et/ou psychologiques, les abandons volontaires ou involontaires (départ ou décès) de la part d’une mère ou d’un père ou d’une personne significative, le harcèlement et/ou rejet à l’école primaire et/ou secondaire. Ces événements de l’enfance peuvent laisser des traces importantes chez l’adulte. Même des situations qui peuvent sembler anodines, comme le harcèlement physique et psychologique fait par des enfants à un autre, constituent des sujets qui, travaillés avec l’EMDR, soulagent beaucoup les personnes qui en ont souffert.

Les abus sexuels dans l’enfance et/ou l’adolescence sont aussi des sujets privilégiés qui se traitent facilement par la thérapie EMDR. 

Cette liste, bien que longue, est incomplète, car il serait difficile pour moi d’énumérer tous les problèmes que j’ai pu traiter avec l’EMDR. Aussi je me résumerai ainsi : si une personne se sent « mal dans sa peau », qu’elle a des réactions, sentiments, émotions, comportements qui la font souffrir et l’obligent à dépenser beaucoup d’énergie stérile, elle a beaucoup à gagner à essayer cette forme de thérapie, même si, à première vue, elle ne connaît pas l’origine de son malaise. Et ceci , sans avoir recours « aux médicaments ni psychanalyse » comme l’a si bien dit et écrit David Servan-Schreiber, médecin psychiatre et auteur du désormais célèbre libre « Guérir ». Il y a à l’intérieur de chacun de nous un processus de guérison et de cicatrisation que ces nouvelles thérapies nous permettent de déclencher. 

Celles-ci ne prétendent pas faire table rase de tous les acquis de la psychothérapie. Bien au contraire, elles préparent un terrain propice au développement de la personne. En élucidant de façon efficace et durable le ou les éléments perturbateurs d’origine, ces approches permettent à la personne une évolution en accord avec son identité première. Le thérapeute peut par la suite guider la personne vers un mieux-être qui ne sera pas seulement une adaptation à une souffrance, mais vers la découverte de son potentiel.

Jeanne Gendreau
Travailleuse sociale
Février 2006

* Je me suis inspirée en premier lieu, de mes expériences thérapeutiques avec ma clientèle et des ouvrages suivants :
- Eye Movement Integration Therapy, par Danie Beaulieu, Phd, « crown House Publishing », 2003
- Guérir, David Servan-Shreiber, Robert Laffont “Réponses”, Paris, 2003
- EMDR, une révolution thérapeutique, Jacques Roques, la méridienne « Desclée de Brouwer », 2004
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