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L'art de ne pas travailler

Par Yvon Dallaire, Psychologue
Québec, Québec, Canada.
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L'art de ne pas travailler

L'oisiveté, dit-on, est la mère de tous les vices, mais elle est aussi la mère de l'invention. Les plus grandes découvertes scientifiques ont été faites dans l'oisiveté : Galilée et son bain, Newton et sa pomme… Einstein, lui-même, était considéré comme un cancre paresseux. L'un de mes professeurs en relaxation véhiculait même l'idée que l'on devrait passer, à chaque semaine, une journée entière au lit afin de laisser la « folle du logis » réinventer notre vie.

Nous sommes loin du « Le temps, c'est de l'argent », valeur fondamentale du capitalisme issu de la tradition judéo-chrétienne, laquelle a fait de la paresse l'un des sept péchés capitaux. Tellement que les « workaholiques » se sentent coupables lorsqu'ils sont en vacance ou tournent en rond lorsqu'ils n'ont rien à faire. Plusieurs, surtout les hommes, meurent quelques années à peine après leur mise à la retraite, parce qu'ils se sentent inutiles et ne savent pas utiliser leurs loisirs. Notre société a fait du travail, et de la richesse matérielle qu'il est sensé apporter, la valeur ultime. En fait, la majorité d'entre nous est plutôt devenu esclave du travail et débiteur de nos banquiers.

Pour s'en libérer, nous rêvons de gagner le gros lot. Ce que nous ignorons, c'est que la grande majorité des « chanceux » ont vu leur vie, leurs relations, leur environnement basculer suite à l'arrivée de la manne. Et, souvent, ils sont redevenus plus pauvres qu'avant, parfois victimes d'escrocs. Évidemment, Loto-Canada ou Loto-Québec n'ont pas avantage à publiciser ces recherches, pourtant réelles.

Que nous ayons besoin d'un minimum matériel vital ne fait aucun doute, mais même Bill Gates ne peut manger plus de trois repas par jour. L'argent, ni le travail, n'a jamais fait le bonheur de personne. C'est plutôt l'usage de l'argent ou notre attitude face au travail qui nous rend, ou non, heureux. Ma compagne me disait ce dimanche matin (moment où j'écris cet article) : « Bon, tu vas encore travailler ! » À quoi je réponds que je ne vais pas travailler, mais faire quelque chose que j'adore. Et je ne le fais pas pour de l'argent, car j'ai atteint une certaine indépendance financière qui me permet de choisir mes loisirs. Et écrire constitue pour moi un loisir que je veux développer. Et tant mieux si cela est rentable.

Telle est la thèse de Ernie Zélinski, auteur du best-seller mondial L'art de ne pas travailler. Il a aussi écrit The Joy of Not Knowing It All et The Art of Not To Be Married. Pour lui, la valeur essentielle, c'est la qualité de ce que nous vivons, notre capacité à apprendre, à rire, à jouer, à aimer le monde qui nous entoure. Seul cela donne un véritable sens à la vie. Lorsque notre profession nous permet cela, on ne parle pas de travail (du latin tripalium, torture)

Ex-ingénieur dans une entreprise publique, Zélinski travailla dix heures par jour, plus les week-ends, pendant plus de six ans. Après trois ans sans vacances, il décida, malgré son employeur, de prendre dix semaines de congé : il fut licencié, à son retour, pour avoir « violé le règlement de l'entreprise ». Amer, car il avait été un travailleur motivé et productif, il prit du temps à digérer ce qu'il qualifie aujourd'hui d'une véritable bénédiction. Sa période forcée de chômage (de l'italien comare, se reposer pendant qu'il fait chaud) lui permis de découvrir les… loisirs (du latin, licere, être permis). Auto-proclamé expert ès loisirs, son unique but maintenant est de vivre heureux sans travailler. Son oisiveté lui donna le goût d'écrire. Ce qu'il fait admirablement et ce qui l'a rendu multi-millionnaire, en plus de l'amener à voyager à travers le monde pour y donner des conférences sur l'équilibre entre le travail et les loisirs.

À une époque ou la permanence du travail rémunéré tend à disparaître, où le changement s'accélère de façon exponentielle, où le taux de suicide est quatre fois plus élevé chez les retraités que dans la population en général, Zélinski est l'exemple parfait de la nécessité du retour à l'essentiel, soit la joie de vivre. Vivre est le but de la vie. Vivre heureux est la meilleure façon de le faire. Pour y arriver, il nous faut joindre l'utile à l'agréable, faire en sorte que nos loisirs puissent être rentables à tous points de vue et ce, le plus rapidement possible dans la vie.

Yvon Dallaire est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le couple. Il exerce en pratique privée au Centre Psycho-Corporel de Québec et offre des conférences au Canada et en Europe. 

Vous pouvez le joindre à http:www.yvondallaire.com 
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