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Deux notions importantes en Analyse Psycho-Organique

Par Federica Scagnetti, 
Analyste Psycho-Organique & Praticienne EMD
Malakoff (Paris), France
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Deux notions importantes en Analyse Psycho-Organique

1. L'inconscient situationnel

« Selon moi l'inconscient contient : le potentiel, le transformationnel, les situations, les souvenirs, l'estime de soi, le principe du soi et son affirmation » (P. Boyesen, 1992, p.17).
« La réalité telle que nous la voyons, est faite de situations, d'une multitude de situations. Nous ne saurons analyser toutes les situations lorsque nous parlons, car au moment même que je pense ou j'exprime ma pensée, c'est une multitude de pensée qui sont là. Le préconscient en choisit une, celle qui est le plus en lien avec le présent. Mais au moment présent les situations qui sont là appartiennent simultanément au passé, au présent et au futur. Nos mots sont des situations : des situations de sens, des images, et nous envoyons ces situations à l'autre avec nos mots, que l'autre et les autres importent en mêlant nos images aux leurs » (P. Boyesen, 1999, p.13).

En analyse psycho-organique, les affects, les symboles sont aussi des situations, le conscient, le pré-conscient et l’inconscient portent des situations. 

Dans le concept d’inconscient situationnel, il y a donc l’idée d’intégrer l’affect et l’émotion à une situation, en quelque sorte à un contexte. Ce qui est très intéressant c’est aussi l’idée que la situation introjectée est liée à une sensation. En ce sens c’est très proche des conceptions de J. Bruner lorsqu’il parle de l'émotion qui prend sa forme, son sens dans une situation. « Les émotions n'atteignent leur caractère qualitatif qu'à partir du moment où elles sont contextualisées dans la réalité sociale qui les produits. » (J. Bruner, 1987, p. 139).

P. Boyesen nous dit que dans l’inconscient qui est un océan d’images, le préconscient en choisit une qui devient consciente. Dans l’inconscient les autres images restent et dialoguent. Chaque image contient une situation, voir ces images et les verbaliser permet la rencontre entre « celui qui perçoit et ce qu’il perçoit…ce qui crée un nouveau réel. » (P. Boyesen, 1997, p. 44). Il me semble qu’il y a une similitude avec le discours de Tisseron à propos de l’image comme médiation et sa proposition d’un partage subjectif de la part du psychothérapeute, qui peut proposer un verbe sur une image. Un psychothérapeute APO aura plus la tendance à laisser parler la personne sur ce que l’image lui évoque, mais lorsque P. Boyesen parle de l’importance de verbaliser l’image, car le verbe contient une action, qui viendrait après la prise de conscience de l’image, et qui permettrait de retrouver la situation vécue et la situation non vécue, et donc une autre réalité possible par l’activité symbolique, il me semble très proche de la pensée de Tisseron. Autrement dit l’activité symbolique serait relancée une fois que l’image montée jusqu’à la conscience peut être dite, verbalisée, c’est en cela une symbolisation et par conséquent la création d’une nouvelle réalité. 

Ce qui m’amène à parler de la notion d’énergie conséquentielle et résiduelle. Dans chaque situation il y a ce qui s’est passé en tant qu’expérience ( énergie résiduelle ), et ce qui aurait pu se passer et que l'on aurait aimé (énergie conséquentielle). Les situations et les affects et l’énergie qui lui sont reliés se manifestent sous forme d’images, de sensations, d’éprouvés. Récupérer le conséquentiel permet à l’homme de récupérer son désir et lui donner la possibilité de changer sa qualité d'expérience, comment la situation a été vécue. C'est ce qui permet la transformation. La proposition de P. Boyesen est intéressante. Même lorsque nous ne pouvons réaliser un désir, l'image de ce désir est là, la situation que j'aimerais vivre est là. La vivre en thérapie permet donc de changer la qualité d'expérience liée à cette situation que j'aimerais et qui, soit n'a pas été, soit n'est pas, mais pourrait être. P. Boyesen nous dit aussi qu’avant de pouvoir accéder à ce qui aurait pu être il faut pouvoir exprimer la charge de ce qui a été, charge qui contient une situation, des affects, des émotions.

« Ces images acceptées peuvent être formulées et structurées dans un langage, ce qui veut dire qu'elles sont symbolisées par une pensée donnée, que nous appelons ensuite concept. Ce concept a normalement une forme sociale et culturelle, à partir de laquelle la personne, peut communiquer et préciser, à la fois avec elle-même et avec l'autre... » (P. Boyesen, 1992, p.15).
Le mot contextualisé a du sens, hors du contexte il n'a pas de signification. Chaque mot porte une image, une situation, du sens. Donc pour retrouver le sens, il me faut retrouver la situation et comment cette situation a été vécue, ce qui contient aussi comment j’aurais aimé que la situation se passe. Chaque situation contient un verbe, le verbe qui relie Soi au monde. « La morale, les croyances et les lois le régissent. » (P. Boyesen, 1992, p. 24). Ce qui me permet d’ introduire la notion de contrat en APO.

2. La notion de contrat

Dans le langage de l’Analyse Psycho-Oganique, nous parlons de contrats pour définir des modes de relation et de communication, porteur des systèmes de croyance, qu’un sujet a mis en place dans sa relation au monde et aux autres. L’être en devenir dès sa naissance au monde, pendant son développement, au cours de sa vie de personne, jusqu’à sa mort, se construit au travers des liens qu’il a tissés avec son entourage (ici entourage étant entendu au sens du monde extérieur et des sujets présents dans ce monde). Ces liens sont intériorisés, et prennent sens dans un "réseau" d’inter relations, dans son intime. En partie conscients et inconscients, ces liens créent des croyances, des modes de communication entre plusieurs parties de soi-même. 

Ces contrats sont agissants en nous à tout moment, dans la relation que nous avons à la vie, dans la relation que nous avons avec les autres, dans la relation que nous avons avec des idéologies, des choix de vie etc. Ils sont porteurs de sens pour la personne et l’influencent dans sa manière d’être au monde. 
« Les contrats s'apparentent aux croyances personnelles, familiales, sociales, politiques, religieuses, culturelles. Les croyances familiales sont transmises imperceptiblement dans la manière dont la famille vit. On y trouve les préjugés, le rapport aux émotions, la manière de se réguler. La personne en hérite avant de le savoir. Les contrats créent notre vision du monde familial, social depuis la manière dont nous sommes nés. » (Anne Veillet, 1999, p. 142).

Nous voyons combien la notion de contrat se rapproche de la notion de format de pensée selon Bruner, et de la notion d’habitus. 

En APO les contrats peuvent être statiques ou dynamiques. Certaines contrats sont statiques pour nous permettre de satisfaire notre besoin de sécurité, de repères fixes, besoin primaire du nourrisson qui apprend à gérer l’absence de la mère au travers d’une relation suffisamment stable avec elle. L’adulte a aussi besoin de certains repères fixes pour pouvoir se sentir en sécurité. 

Nous avons aussi besoin de vivre des contrats dynamiques, qui nous permettent une élasticité suffisamment bonne pour s’adapter aux différentes situations du quotidien, avec les contraintes qui font partie de ce quotidien. C’est dans une dialectique suffisamment souple pour rester dans une mobilité tout en gardant l’ancrage dans un sentiment de sécurité suffisamment satisfait.

Parfois il y a certains contrats statiques qui sont bousculés par certains événements de la vie, et cela demande des réaménagements qui vont toucher non seulement nos besoins archaïques de sécurité, mais aussi le système de valeur hérité dans son enfance. Je pense par exemple à mon expérience d’italienne vivant dans un pays étranger avec une langue étrangère et des systèmes de valeurs différents. J’ai dû ré-adapter ma relation au monde, mes contrats, en remettant en question un certain nombre de croyances. 

En APO il existe quatre formes de contrats, les contrats organiques, les contrats familiaux, les contrats relationnels et les contrats dans l’inconscient.

Les contrats organiques, contrats de naissance

« Ces contrats se mettent en place très tôt dans la vie intra-utérine ou à la naissance et représentent la manière dont nous symbolisons notre conception et notre naissance. » (Anne Veillet, 1999, p. 147). La manière dont nous avons été conçus et mis au monde va créer une croyance dans sa relation au monde. Ce sont des contrats archaïques et inconscients. 

Les contrats familiaux 

Le dispositif mis en place en APO concernant les contrats familiaux est celui du rêve éveillé suivi par la « mise en papier » d'un arbre généalogique. La personne est invitée à laisser émerger l’image d’elle a l’âge de cinq ans, dans sa maison d’enfance. L’âge de cinq ans correspond à la période oedipienne, à la mise en place du Surmoi et de l’Idéal du Moi, début de la prise de conscience des différenciations sociales. L’attention est portée sur les manières d’être et de faire des parents, au travers desquelles l’enfant perçoit leurs philosophies de la vie, leurs croyances. Il me semble qu’il y a un lien très étroit avec la notion de habitus de P. Bourdieu, la notion de format de pensée de Bruner et l’approche de Gaulejac autour des transmissions sociales. 

Les contrats familiaux sont directement liés aux systèmes de valeurs, de croyances politiques et sociales, de chaque membre de la famille. L’attention portée au comportement de sa mère ou de son père souligne le caractère de format de pensée, et d’habitus, l’attention portée à sa sensation face aux différents membres de la famille permet l’intériorisation nécessaire pour faire appel à sa symbolique. Les liens affectifs sont analysés dans leurs liens sociaux (les comportements et les croyances) et leurs liens au symbolique, à ce qu’il y a de plus archaïque et qui construit notre manière d’être et de penser le monde, le sens que nous lui donnons. Le sens, le symbolique est donc fabriqué par la relation que nos parents ont avec le monde, et pas seulement par la relation que nous entretenons avec eux en tant qu’objets d’amour.

Les contrats relationnels

Les contrats familiaux nous façonnent dans notre manière d’être et nous influencent dans la relation que nous avons avec l’autre. En APO nous travaillons les contrats relationnels au sein de la formation comme outil de mis en lien. Ils permettent de mieux comprendre la dynamique du groupe et de chaque membre en interaction avec le groupe. Faire émerger ces contrats dans le groupe permet de faire émerger sa manière d’être en relation avec l’autre, faire une demande à l’autre (le groupe) pour être aidé, et s’engager face au groupe qui lui fait une demande en retour. 
Le but étant de transformer le contrat relationnel qui comporte deux parties : d’un côté la personne avec son contrat personnel porteur de sa croyance dans la relation à l’autre, de l’autre côté le groupe avec sa croyance, son mythe vis-à-vis de la relation avec elle. 

Ce qui me paraît fort intéressant dans ce travail, c’est l’articulation entre des processus secondaires, autour de l’identité, l’affirmation de soi, l’expression, et des processus primaires autour de la prise de contact avec ses besoins, ses désirs, ses premiers mouvements vers l’autre, et tout ça dans l’interaction avec le groupe. Cela permet de prendre conscience d’une dynamique de transfert et de contre-transfert, et devient un support important pour l’analyse des systèmes de croyances qui viennent se confronter et se heurter dans le groupe. 

Je trouve qu’il serait intéressant de les analyser du point de vue du contre transfert social, en étant attentif à la dimension sociale qui peut se mettre en place dans le groupe. Par exemple une personne qui s’exprime plus sur un mode direct, avec une manière de parler plus brute, pourrait réveiller de la colère de la part du groupe. 

  • S’agit-il de sa difficulté à exprimer ses sentiments, à être en contact avec ses ressentis ? 

  • S’agit-il d’une manière de communiquer représentative du milieu social dont elle est issue ? 

  • Le groupe qui réagit en renvoyant la personne à sa propre agressivité, ne répète-il pas une violence symbolique ? 

  • En quoi n’est-il pas renfermé dans sa représentation d’un mode de relation unique ? Ce qui n’exclut pas la responsabilité que la personne a aussi, mais apporte la dimension de la confrontation des appartenances.

  • En quoi reconnaître, voir juste ces mécanismes pourrait permettre à la personne et au groupe de symboliser ce qui est un mode de mis en relation hérité non seulement dans sa relation à ses parents, mais aussi dans la relation à son groupe d’appartenance ? 

C’est la confrontation de tout un groupe face à un autre ou à d’autres qui se joue là.

Les contrats dans l’inconscient

Ce sont des contrats dynamiques dans l’inconscient en lien avec l’image primaire de Soi (contrats avec l’imaginaire), le sentiment d’existence, le besoin de sécurité (les contrats existentiels), et l’histoire de l’humanité (contrats avec les sens de l’expérience). 

Conclusion

Les contrats en APO correspondent à des formats de pensée et de croyance dont nous avons hérités à la fois de notre lignée familiale, de la relation que nous avons eue avec la famille, de notre environnement et de notre dynamique intra-psychique. Ils sont présents dans notre vie au quotidien à chaque instant sans que nous en ayons conscience. Ils sont davantage actifs qu’ils sont inconscients et existent depuis notre vie intra-utérine.

Par Federica Scagnetti, Psychothérapeute
Malakoff (Paris), France
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