À partir de l'histoire sentimentale de plusieurs femmes célèbres, d’écrivaines, de patientes, la psychologue Louise Grenier puise aux sources de la psychanalyse pour mieux saisir l'origine de ces relations ravageuses. Et surtout pour permettre aux femmes de s'en libérer et de recommencer à vivre. Cela donne un ouvrage passionnant, qui jette un éclairage puissant sur l'amour destructeur.
L'AUTEUR
Louise Grenier est psychologue et psychanalyste en pratique privée. Elle est également chargée de cours au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal. Membre de l'Ordre des psychologues du Québec, elle a rédigé de nombreux articles et participé à plusieurs ouvrages collectifs portant sur diverses problématiques féminines. Elle a aussi publié Filles sans père et Les violences de l'autre aux Éditions
Quebecor.
DÉTAILS
Prix : 24.95 $ CAD
ISBN 13 : 9782764017265
Sujet : PSYCHOLOGIE
Nombre de pages : 312 pages
Format : 23.0 X 15.0 cm
Date de parution : Avril 2011
Statut : Disponible
Collection : Psychologie
EXTRAIT
DE L'INTRODUCTION
Les séparations impossibles ne seraient-elle donc que l'autre face des amours impossibles ? L'homme avec qui vous avez éprouvé pour la première fois un coup de foudre, une jouissance sexuelle, un amour romantique ou un élan fusionnel, reste inoubliable. Parfois, il vous suffit de demeurer dans le désir d'un être toujours absent, toujours manquant, et source d'une jouissance infinie
(1) , pour ne jamais vouloir vous en séparer.
Cette particularité de votre vie amoureuse ne vous empêche pas d'avoir une vie sexuelle, ou conjugale, tout en conservant un lien clandestin avec un autre lointain, idéalisé. Lien scandé par de brèves rencontres et d'interminables absences avec un être qui, s'il vous échappe dans la réalité extérieure vous appartient dans l'imaginaire et à ce titre, est inséparable de vous.
Dans Filles sans père (2) , j'ai souligné la fonction de séparation du père et j'ai montré les effets dévastateurs du non-exercice de cette fonction sur la vie amoureuse féminine. Ce qui est ravageant, c'est d'ailleurs moins l'absence du père dans la famille que son absence ou son insuffisance dans le complexe d'Œdipe. Dans ce cas, il n'offre pas cet appui réel et symbolique pour aider la fille à s'extraire du lien fusionnel à la mère - ou à tout autre qui la représente.
Poursuivant ma réflexion sur la séparation psychologique (3) dans le rapport à l'autre, je m'intéresse ici aux séparations impossibles dans la vie amoureuse féminine. Celles que j'appelle les "femmes d'un seul homme" sont des femmes qui vivent avec un fantôme, un mirage ou un personnage idéalisé. "Les femmes d'un seul homme" peuvent être des femmes sans homme dans la réalité concrète ou des femmes partageant leur vie avec un autre que celui qui occupe leurs pensées. Leur amour ne connaît ni fin ni limite. Je me suis demandée quels étaient les ressorts inconscients de ces attachements indestructibles et destructeurs, quelles étaient leurs causes et éventuellement les moyens d'en sortir ? Questions qui en appellent une multitude dont celles-ci :
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Pourquoi certaines femmes sont-elles incapables de se détacher d'un homme qui ne les aime pas ou qui les détruit ?
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Pourquoi sont-elles incapables de faire le deuil d'un amour perdu ?
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Pourquoi refusent-elles absolument de se séparer du "fantôme" d'un absent ?
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Quels sont les fantasmes sous-jacents à ce type d'attachement qui s'exprime dans le langage de la fusion, de la passion et/ou de l'aliénation ?
Ces questions seront explorées dans les contextes suivants :
Entremêlant théorie, clinique, littérature et récits biographiques, j'ai rassemblé un certain nombre d'exemples cliniques, cinématographiques, littéraires et biographiques qui forment la base de mes commentaires théoriques. D'une certaine façon, je me mets à l'écoute de ces témoignages. Mon but est d'étudier l'expérience amoureuse dans son rapport avec l'impossible - impossibilité subjective - de la séparation. Précisons qu'il est souvent difficile de classer et distinguer les cas exposés, certains relèvent de causes communes ou similaires, et leurs manifestations se ressemblent ou coïncident. Les personnages présentés ici constituent surtout un matériel utile pour mon élaboration théorique et une façon vivante d'entrer en dialogue avec le lecteur.
Dans ce parcours qui tient à la fois du récit, de la fiction et de la théorie, je ferai entendre le point de vue des femmes, leurs angoisses, leurs déchirements, leurs attentes. Je ne poserai pas un diagnostic sur leurs souffrances, ni ne proposerai un mode d'emploi de la séparation. Mon but est plus modeste : partager mon expérience clinique et mon savoir théorique, analyser des récits de vie ou fictifs en tant qu'ils illustrent des situations bien réelles de la vie amoureuse et de ses impasses. Ma méthode inspirée de la psychanalyse s'appuie sur un postulat central : la liberté passe par l'exploration de l'Inconscient, et plus particulièrement par la levée des refoulements, censures et oublis concernant son histoire.
Je m'adresse principalement aux "femmes d'un seul homme" mais je pense que le sujet intéressera aussi les hommes qui les ont aimées et quittées, ceux qui conservent dans le secret de leur cœur l'image d'une femme aimée et perdue. Hommes ou femmes, les façons de vivre l'amour - et la séparation - expriment ce qu'il y a de plus singulier, de plus intime dans leur personnalité. À ce titre, ces expériences sont des voies extraordinaires d'accès à cette part refoulé ou oubliée de l'être,
l'Inconscient.
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Notes:
[1]
"Je suis la femme d'un seul homme", disent-elles. Ce sont des femmes hantées par l'image d'un autre - père, homme ou Dieu - qu'elles considèrent comme unique et irremplaçable. Vivant ou mort, présent ou absent, réel ou imaginaire, elles ne peuvent - ou ne veulent - s'en séparer. Elles font couple avec lui dans une sorte de temps suspendu de
l'amour.
La jouissance n'étant pas la décharge d'une tension qui apporte le plaisir au moyen d'un objet, mais au contraire le maintien du désir. La jouissance tient le désirant au bord d'une perte : vous désirez un objet qui vous échappe sans cesse, d'où la
souffrance.
[2] Louise Grenier, Filles sans père. L'attente du père dans l'imaginaire féminin, Montréal,
Quebecor, 2004.
[3] Qui a tout à voir avec l'individuation, la construction identitaire et la capacité de penser et désirer en son nom
propre.
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