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Erick Dietrich

Victimes, bourreaux
et boucs-émissaires

Par Erick Dietrich
Medecin , Sexologue, Paris, France.
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Portraits de victimes

Devenir la victime n’est jamais liée au hasard. Le pervers la choisit en fonction de son statut social, de certaines caractéristiques physiques et surtout psychologiques. Il l’utilise comme un objet. Elle devient un bouc émissaire responsable de tout. La victime évite au pervers de se remettre en cause. Pour la psychanalyse, elle est soit masochiste, soit soumise. Le pervers, toujours très malin, la confronte à ses failles et aux traumas oubliés de son enfance. Il sait parfaitement bien catalyser les sentiments d’autodépréciation, d’autodestruction et de culpabilité de ses proies qui ne sont pas véritablement dépressives, hystériques, masochistes. Le pervers utilise les traits de leur personnalité. 
La victime idéale est bien évidemment celle qui a une propension naturelle à culpabiliser. Les mélancoliques (qui se sacrifient du fait de leurs culpabilités permanentes) et les dépressives (qui s’offrent par amour et par manque) sont des proies faciles. Durant la phase d’emprise, on observe chez les victimes un certain désistement (acceptation de la soumission), confusion (les victimes sont anesthésiées), apparition du doute et du stress. La peur et l’isolement finissent par les mettre à distance du monde. Elles deviennent totalement dépendantes des pervers. Toute personne harcelée a deux types de réactions : la dépression ou l’agression. Il est nécessaire de l’aider à sortir de cette alternative folle. 

Dans la société pour parler de ces choses-là, on pratique couramment la langue de bois. Beaucoup de professionnels préfèrent ainsi désigner ce genre de rapports avec bourreau/victime ou harceleur/victime plutôt que de continuer à le qualifier de sado/maso. Et pour cause, bourreau/victime est quand même bien moins dérangeant. Dans ce dernier cas, cela renvoie moins les deux acteurs à la perversion et la victime n’est pas considérée comme perverse. Avec bourreau/victime c’est assez facile, le bourreau c’est « le méchant » de l’histoire et la victime « la gentille ». Comme nous avons vu que cette distinction est plutôt hypocrite, nous utiliserons aussi bien le terme de sadique, harceleur ou agresseur pour parler de bourreau et maso ou soumise pour qualifier la victime. 

Dans le harcèlement (familial, de couple, en entreprise, institutionnel) il faut être vigilant car le sadique s’inscrit souvent dans un projet à long terme. Il se détache en apparence de sa proie pour obtenir ce qu’il veut par la suite. Le bourreau utilise les tiers pour se déresponsabiliser. Il sait aussi que la victime a besoin de lui pour exister. Puisqu’il est le seul à être capable de l’aider à jouir au-delà de sa culpabilité. Le bourreau sait qu’il existe. Il n’a pas de problème de fusion. Il peut prendre de la distance et jouer face aux différents acteurs. Il n’est pas en danger immédiat puisqu’il n’a pas mis son existence dans le pouvoir de la victime. Il maîtrise très bien sa faille psychotique. De l’extérieur, il apparaît plus socialement adapté que la victime qui elle est plongée dans la mélancolie, la peur permanente et la dépendance.

Pour certains auteurs comme Stoller, le maso choisit son sadique et c’est le sadique qui devient dépendant du scénario que le maso met en place. La réflexion paraît intéressante. Car, comment les sadiques, bourreaux ou harceleurs pourraient exister sans l’acceptation tacite de cette relation par les masos, soumis ou victimes ? Ainsi, pour aider réellement les victimes, il ne faut pas tomber dans l’empathie avec elles. N’oubliez pas que ce système leur permet derrière la souffrance, de se sentir exister. En devenant coupables et responsables de tout, elles acquièrent beaucoup plus de puissance que leurs bourreaux. Un lien qui pousse même certaines victimes à se battre pour amener les personnes de leur entourage (proches, famille, amis, juge, avocat, police ….) à exercer ce rôle de bourreau. En termes psy, on dira que c’est la compulsion de répétition du lien sado-maso.

Victime comment s’en sortir ?

Pour la victime, elle doit :

1/ Identifier correctement la situation pour la comprendre et l’analyser.
2/ Prendre conscience qu’elle joue un rôle dans la relation perverse.
3/ S’avouer les bénéfices secondaires qui découlent de cette situation perverse.
4/ Faire le deuil de la relation. Sortir du leurre que l’autre peut encore changer et que la relation perverse peut s’arrêter.

Portrait de bourreaux  

Le bourreau ne présente pas toujours de pathologie névrotique. Car le névrosé a un système de culpabilisation très important qui l'empêche de transgresser. On trouve par contre chez le bourreau une faille psychotique plus ou moins importante. Elle permet de comprendre l'immaturité. Des traits paranoïdes sont souvent retrouvés, ainsi que des blessures narcissiques. Si la tendance paranoïde est très importante, le bourreau a tendance à se sentir persécuté par la victime. La victime devient l'agresseur de son bourreau, ce qui entraîne des comportements réactionnels rageurs et de vengeance à son égard. 

Plus le bourreau est immature, moins il est capable de se représenter la victime en tant que personne. Elle devient objet de sa pulsion. Si le bourreau est mégalomaniaque, il a la compréhension que la victime refuse d’être objet. Il le sait, mais ne tient pas compte de ce refus car son immaturité l’empêche d’accepter sa frustration. Quand il n’est pas trop immature, il utilise la séduction et la manipulation pour attribuer la faute à la victime. 
L'immaturité psychoaffective des bourreaux est toujours très présente sur le plan comportemental et psychologique. Pour comprendre leur situation, il faut découvrir les liens invisibles mis en place dans cette relation de harcèlement. Une connaissance minutieuse de la vie sexuelle et de des fantasmes sexuels du bourreau et de la victime permet de les décoder. A partir de là, le thérapeute doit faire le lien entre les fantasmes et le passé du sujet. Et oui, on pourrait finir par dire : " Dis-moi tes fantasmes, je te dirai qui tu es". 

En fonction de son degré de maturité et de sa construction perverse, le bourreau agit de différentes façons : 

1/ Les bourreaux restés fixés à la première phase de stade sadique anal, contrôlent la victime grâce à l'agression physique, la destruction et la menace.
2/ Les bourreaux restés fixés à la deuxième phase du stade sadique anal, utilisent la séduction, la manipulation et diverses formes plus ou moins élaborées de menaces ou de pressions psychologiques.

Comment réagit le bourreau prit en flagrant délit :

1/ Soit il reconnaît totalement ses actes 
2/ Soit il avoue partiellement avec plus ou moins de déni ou de déresponsabilisation 
3/ Soit il l’admet indirectement. Par exemple, « Si l'autre le dit c'est que cela doit être vrai » 
4/ Soit il utilise la négation banalisante. Du style « ce n'est pas moi... » suivi d'une argumentation plus ou moins réagencée 
5/ Soit il se lance dans un discours de type "pervers" ou "paranoïde" pour ne pas reconnaître la faute voire pour l'attribuer à autrui.

En reconnaissant sa faute, l’agresseur se responsabilise. Il assume ses actes et peut ainsi accepter "la punition judiciaire". Une sanction qui est aussi indispensable que la mise en place "d'une aide ou d'un suivi thérapeutique". 

Boucs émissaires, censure et chasse aux sorcières !

Le désir naît des interactions entre les besoins et les fantasmes. Il se catalyse quand l’individu prend conscience qu'un autre peut accéder à ses propres désirs et en tirer du plaisir. Ce constat met en place chez l'envieux, la frustration, la haine et la rage. Il tente par tous les moyens de s'approprier ou de détruire l'objet de ses désirs. Pour René Girard, « Je désire ce que l’autre possède : C'est le Désir Mimétique »

Dès le début de l'humanité, l'homme s'appuie pour comprendre le monde et lui-même sur la magie, le divin et le mystique. Ces éléments se retrouvent chez l'enfant dans la pensée magique et la toute-puissance. Deux notions qui peuvent persister pathologiquement chez l'adulte. La médecine s’inscrit dans une dialectique de défi qui doit conduire à des résultats. La médecine tout comme la psychiatrie se sont déshumanisées en s’intéressant plus aux symptômes qu’aux êtres humains. La relation avec le patient devient distante, froide et autoritaire. A croire qu’en dessous de leurs blouses blanches, ces professionnels ont oublié qu’ils étaient des hommes. A. Siou, cadre Santé au CHU de Brest, affirmait très justement dans Objectif Santé de Décembre 2000 que « La personne soignée reste positionnée dans le statut de demandeur, ceci conforte la puissance des soignants » . Une situation qui confère le pouvoir illusoire d’être les « Guérisseurs », seuls et uniques détenteurs de la vérité. D’ailleurs, pas besoin de discuter avec eux, ils ne reconnaissent que leurs sciences. 
Formés dans ces systèmes de toute-puissance et de « politiquement correct », beaucoup de médecins, de psychiatres, mais aussi de psychologues et d’assistantes sociales, cherchent des solutions magiques pour réparer à tout prix les couples, les familles, les individus. Ainsi, lorsqu’un individu n’est plus capable d’assumer ses responsabilités au sein de son couple ou de sa famille, les tiers qui assurent sa prise en charge et qui se retrouvent en position d’échec cherchent un bouc émissaire pour lui faire porter la faute et la responsabilité. Pendant des siècles, les femmes placées en position d’infériorité, ont été ainsi les boucs émissaires des hommes. Il faut ainsi des coupables pour expliquer ce qui ne peut pas toujours être dit. Si dans les sociétés primitives, les rites avaient pour fonction de préserver la paix, dans nos sociétés civilisées ils ont essentiellement pour fonction de conditionner le peuple. La répression et les lois illusoires maintiennent la croyance en un avenir meilleur. 

Par Erick Dietrich
Medecin , Sexologue, Paris, France.
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