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Jacques Salomé

SE SOIGNER ET GUÉRIR.

par Jacques Salomé
Psychosociologue, France (octobre 2003)
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SE SOIGNER ET GUÉRIR.

On me demande souvent s'il y a une différence entre se soigner et se guérir ? 

Et le plus souvent je réponds :la différence fondamentale entre soigner et guérir est la même qu’entre soi-nier et gai-rire, ce qui veut dire arrêter de se soi-nier et d'être transformé en soi-niais. Au delà de ces jeux de mots un peu facile, tenter quand même d'en dire plus sur ma compréhension des maladies, de ce mal-à-dire qui nous habite quand nous avons engrangé trop de messages négatifs, trop de violences verbales, physiques ou morales, quand nous avons oublié de nous respecter.

Soigner ( vu du coté du soignant, s'il n'est pas trop un soi-niant) c’est tenter de comprendre la cause et de résorber, de supprimer les effets négatifs de cette cause, d'en supprimer les conséquences, c’est vouloir réparer, atténuer, voire détruire le symptôme, c'est essayer d'enrayer la douleur, diminuer la souffrance.

Alors que guérir ( vu du coté d'un accompagnant en santé et de celui qui sera en difficulté de santé) supposera d'essayer d’accéder au sens de la maladie. Entendue comme un langage désespèré pour dire et cacher l'indicible. Et donc de permettre à la personne malade d'entendre ce qu'elle crie (avec des maux ) La guérison, au-delà des soins médicamenteux, chirurgicaux, médicaux, supposera donc des soins relationnels qui passent par une écoute de la maladie entendue comme un langage métaphorique ou symbolique, avec lequel nous tentons de dire et de cacher l’indicible. Guérir, dans sa finalité, supposera donc de permettre au malade de retrouver dans son histoire actuelle et passée la blessure originelle qui s'exprime, qui se crie avec un mal-à-dire qu’on appelle une maladie et parfois même une affection. 

Curieux terme que celui d'affection, utilisé à la fois pour dire un ensemble de sentiments envers une personne aimée, recherchée, choisie, et pour qualifier un trouble, un dysfonctionnement, une souffrance. Le double sens de ce mot devrait d’ailleurs nous inviter à être plus vigilant, pour tenter d'entendre le sens profond (lié à l'affectivité maltraitée) de certaines maladies.

Guérir au-delà des soins apportés pour réduire la souffrance ou supprimer le symptôme, pour atténuer le dysfonctionnement, supposerait de permettre au malade d’entendre enfin ce qu’il ne peut dire avec des mots et exprime avec des maux, ceci en relation directe ou indirecte avec une blessure ou une violence reçue dans son enfance ou à une période cruciale ( de vulnérabilité maximale) lors de son développement.

La médecine d’aujourd’hui, malgré les progrès considérables qu’elle a fait, sait soigner avec une efficacité redoutable et une rapidité qui séduit, nous émerveille.

On vous enlève un kyste sans même vous ouvrir le ventre, mais on n’aura pas entendu que ce kyste, par exemple, tente de «parler» d’un enfant dont vous avez avorté et dont vous n’avez jamais parlé à personne. Enfant qui "tente" à sa façon de se dire, de se manifester, d'exister.

La médecine devient de plus en plus technologique et opérationnelle fonctionnelle et institutionnelle, interventionniste et ponctuelle, elle est de moins en moins relationnelle et intimiste, c’est pour cela qu’elle a beaucoup de mal à guérir. Car guérir serait une tentative pour réconcilier un être humain avec les situations inachevées de son histoire, le libérer des violences engrangées autour des pertes et séparations anciennes ou récentes, le libérer des missions de réparation ou de fidélités qu’il a pu engranger dans son enfance, l'inviter à un lâcher-prise sur les conflits intrapersonnels qu’il entretient, bref l'aider à ne pas cultiver en lui, dans son histoire ancienne ou récente tout ce qui pourrait être à l’origine des somatisations ou des mises en maux.

Pour la plupart d'entre nous, accepter d'entendre que les maladies sont des langages, suppose un "pas de coté", de sortir du scientisme, du rationnel, du logique pour accéder à la part d'irrationnel qui habite chacun.

Cela se passe quelquefois au travers une rencontre qui se révèle interpellante, bousculante. Il y a ainsi des rencontres magiques ; rencontres imprévisibles, inattendues qui se font dans une autre dimension que la rencontre physique, on pourrait appeler cela rencontre d’âme à âme. Cela peut être aussi une rencontre physique de personne à personne mais peut être aussi passer par des lectures, l'écoute et le retentissement d'une phrase entendue à la radio ou par des échanges et des partages plus structurés lors d'une session de formation ou d'un groupe d'éveil, de thérapie…

Il appartient à chacun de tenter de se responsabiliser pour rester dans une écoute respectueuse et dynamique des langages du corps. Notre corps est notre meilleur compagnon de vie, c'est avec lui que nous allons parcourir l'essentiel du chemin et c'est avec lui que nous irons jusqu'au bout de notre existence. En restant le plus vivant, le plus créatif et le plus dynamique possible pour pouvoir mourir en santé.

Jacques Salomé est l'auteur de la trilogie Chaque jour…la vie (Editions de l'Homme)
Vivre avec les autres, Vivre avec les miens, Vivre avec soi (parution octobre 2003)

Ce texte est la propriété de Jacques Salomé. Toute reproduction sans l'autorisation de l'auteur est interdite
Conception et mise à jour  Alain Rioux, Psychologue, Tous droits réservés, © Copyright 2003.