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Rire et plaisir… Futile ou utile ?

Johanne Bussières, 
Thérapeute en relation d’aide psychologique
et Coach de Vie, Québec, Canada

Rire et plaisir… Futile ou utile ?

Le printemps dernier, j’ai été invitée à prononcer une conférence pour les malades atteints de cancer à l’hôpital Notre-Dame du CHUM, à Montréal. L’auditoire était en majorité composé de malades atteints de cancer, de leurs proches et de professionnels de la santé (médecins, psychiatres, travailleurs sociaux). À mon étonnement, puisque c’était la première belle soirée de printemps après un hiver froid qui s’éternisait, il y avait là beaucoup plus de monde que prévu. 

Je les ai entretenus d’un sujet qui me tient à cœur : Plaisir et Guérir. Je leur ai dit d’entrée de jeu, « vous n’êtes pas une maladie ni un cancer. Vous êtes tous et chacun, des êtres uniques avec votre identité propre. Ne laissez pas la maladie vous définir car vous n’êtes pas des statistiques et même si l’avenir semble incertain, le plaisir n’a pas dit son dernier mot »... 

Je me sentais un peu fébrile devant tous ces gens certainement remplis d’attentes. Sans compter que j’étais fort touchée par le mal insidieux qui les avait pris à bras le corps sans leur demander leur avis. J’avais pu observer aussi que les traitements auxquels ils se soumettaient les terrassaient aussi sûrement sinon plus que le cancer lui-même. J’ai donc pris le parti de l’authenticité mais tout de même avec l’intention avouée de passer un message clair : « on est malade comme on vit ». Malade ou en santé, nous portons sur le monde un regard, nous avons une attitude, un élan vital qui nous pousse en avant ou nous retient en arrière. Malade ou en santé, certains d’entre nous s’accrocheront à leurs rêves et les réaliseront. Certains d’entre nous arriveront à déloger l’intrus avec persévérance et courage tout en gardant le goût du bonheur côté cœur.

Alors je me suis demandé pourquoi à l’opposée, d’autres se résignaient-ils, devenaient amers voire cyniques, abandonnaient la lutte à la moindre difficulté, tombaient dans la victimisation ou le désespoir ? J’en suis venue à la conclusion qu’il s’agissait là d’un choix de vie qui ne tenait pas du hasard. Cette adaptation face à l’adversité peut être négative ou positive comme celui qui tue les papillons avec une carabine ou cet autre qui a survécu à l’holocauste. Nous allons tous rencontrer la frustration, l’adversité dans notre vie. Nos croyances, notre éducation, notre histoire de vie ont certes quelque chose à voir dans notre capacité d’adaptation. Cependant, j’accorde une importance égale au choix des armes face à l’ennemi, c’est-à-dire au libre arbitre, au jugement et au discernement. 

En d’autres mots, c’est ce que nous faisons lorsque nous sommes confrontés à l’échec, à la perte et aux difficultés qui importe. Une situation de frustration ou une difficulté exige une adaptation. Certaines de ces adaptations sont bonnes, certaines inutiles, d’autres mauvaises, voire dangereuses. Il faut voir que les succès d’adaptation ne sont pas si nombreux car aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord, il y a plus de personnes dans les instituts psychiatriques qu’il n’y en a dans nos collèges et universités réunis !

Il n’y a donc pas de magie ni de réponses toutes faites. Pour être heureux malgré la maladie… Il faut faire le choix conscient et soutenu de dépasser les peurs et l’insécurité qui viennent avec le cancer; accepter le changement, continuer de prendre des risques, d’exercer des choix et avoir le courage d’exploiter de nouvelles possibilités. Ce n’est pas une mince affaire.

Alors, que venaient faire le rire et le plaisir dans cette galère ? Le rire stimule les organes internes comme un véritable jogging du cœur. Rire, c’est être libre d’inquiétude, on l’oublie parfois. Le rire est une sensation d’éclatement, de bien-être général qui libère les tensions et relâche dans l’organisme les mêmes hormones qu’après un effort physique rigoureux comme le jogging. Il s’agit des endorphines, de la dopamine et de la sérotonine, les hormones du bien-être, celles-là même qui renforcent et protègent le système immunitaire. Voilà le lien et pourquoi le rire et le plaisir ont un tel pouvoir sur la santé et l’état de bien-être global chez l’individu. L’organisme humain est parfaitement bien constitué et ne manque pas d’à propos. Lorsque l’on perd de vue le sens du plaisir et le goût du bonheur, le système immunitaire s’affaiblit rapidement. Vous l’avez certainement observé, lorsqu’on a le moral à zéro, on s’enrhume plus facilement; on devient plus vulnérable aux virus et aux maladies.

Pour illustrer mon propos, j’ai proposé aux personnes présentes de se lever puis de rire de manière induite, sans jugement, sans se préoccuper des autres. Une fois de plus, j’ai observé un phénomène remarquable : la gêne, les malaises se sont dissipé peu à peu, cédant le pas aux rires spontanés. Tout à coup, les rires fusaient de toutes parts dans cette salle de conférence austère devenue, l’espace d’un moment, un lieu de culte du rire. Médusés ou sceptiques tous se sont prêtés au jeu de bonne grâce. Ils n’en finissaient pas de s’éclater et avaient peine à reprendre leur souffle tellement ils étaient emportés par ce plaisir d’être en toute liberté. 

Dans son livre, « La guérison par le plaisir », Yvon Saint-Arnaud parle de la jouissance d’exister qu’il partage ainsi : la jouissance de faire (travailler, étudier, jardiner, explorer, courir, jouer au tennis, faire la cuisine, faire l’amour) et la jouissance d’être (se donner une existence psychologique, donc en étant authentique, en satisfaisant ses besoins psychiques fondamentaux. 

Il y en a 7 : le besoin d’aimer; le besoin de sécurité; le besoin d’être reconnu, apprécié; le besoin d’être entendu; le besoin de créativité; le besoin de liberté; le besoin de s’affirmer. Être authentique, c’est être vrai à l’égard de ses désirs, de ses peurs, de ses besoins, de ses malaises et de ses rêves profonds ; c’est assumer sa différence et en être fier. On voit dès lors qu’il y a un contentement, une satisfaction et une joie à être ce que l’on est véritablement et profondément. 

À votre tour de vous arrêter un instant et de vous demander : « Qu’est-ce qui me ferait plaisir aujourd’hui, en ce moment même ? Quels moyens dois-je prendre pour me faire plaisir dorénavant ? Ai-je plutôt tendance à m’oublier, à remettre à plus tard le plaisir de lire un magazine ou un livre, de faire une promenade, de voir un film, d’appeler un ami, un parent, de prendre l’apéro avec quelqu’un que j’aime, de lui donner un rendez-vous doux, d’aller manger au resto et tutti quanti ? » 

Il y a un souvenir indicible qui refait surface lorsque le sol semble se dérober sous mes pas. À 8 ans, ma fille m’a fait voir que le bonheur comportait deux mots clés : bonne et heure. Dans sa sagesse d’enfant, elle en a conclu que c’était donc « la bonne heure pour être heureux ! » Jamais je n’oublierai son regard intense plongé dans le mien en cet instant de relation, de pur ravissement lorsqu’elle m’a enlacée de ses bras graciles en me lançant de sa voix flûtée : « je t’aime maman ». Au moment même où j’écris ces lignes, je ressens la même sensation de joie, de légèreté en recevant un mail où flashent les mots « I love you très fort ! » de l’homme que j’aime et qui m’aime. Le message est décoré d’un personnage animé qui envoie des baisers et des cœurs ! Chaque geste d’amour que l’on donne et que l’on reçoit comble un besoin psychique fondamental important, le besoin d’aimer et d’être aimé. 

Le plaisir est le moteur qui nous aide à nous propulser, à nous réaliser à notre plein potentiel de manière à harmoniser toutes les dimensions (physique, psychique, sexuelle, intellectuelle et spirituelle) de notre être.

Pour nourrir votre réflexion sur l’importance du plaisir, je vous suggère ces lectures :
1. « La guérison par le plaisir » Yvon Saint-Arnaud. Éd. Novalis
2. « Guérir le stress, l’anxiété, la dépression... » Dr. David Servan-Schreiber. Éd. Robert Laffont
3. « Comment vivre avec soi-même » Dr. Murray Banks. Éd. Un monde différent ltée.

Johanne Bussières, 
Thérapeute en relation d’aide psychologique
et Coach de Vie, Québec, Canada
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