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Méfiance

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Une réflexion sur la schizophrénie


Texte extrait du roman:
Porte 54, Itinéraire d'une psychose
Éditions Option Santé, Québec, Canada
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Par Alain Rioux, Psychologue
et Jean-Eudes Rioux, romancier

Site: http://www.alainrioux.com/porte54.html 

Méfiance (Illustration de Jean Lapointe extraite du roman Porte 54, Itinéraire d'une psychose)

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Présentation du Roman
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Le roman « Porte 54, Itinéraire d’une psychose » est avant tout une œuvre d’espoir. Après une longue hésitation, le héros du livre décide de renouer avec ses rêves et de retourner vivre dans la communauté qui l’a rejeté dans sa jeunesse. Ce roman fait vibrer par sa sensibilité et le représentation touchante du combat intérieur que vit le personnage principal. C’est une histoire qui exprime avec force qu’il est possible « d’en sortir » et de retrouver son pouvoir et son identité de citoyen malgré la maladie mentale et les préjugés qui s’y rattachent. C’est une histoire qui parle de courage et confronte les peurs liées à un retour dans la communauté après des années d’institutionnalisation.

Collaboration

Vincent et moi
Pour chaque livre vendu, un dollar sera versé au Programme Vincent et moi. Vincent et moi est un programme d’accompagnement artistique et de prêt d’œuvres d’art réalisées par des personnes qui reçoivent des soins au Centre hospitalier Robert-Giffard ou dans la communauté.
- http://psycho-ressources.com/bibli/vincent-et-moi.html 
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Une réflexion sur la schizophrénie
Ce texte est un extrait du roman Porte54, Itinéraire d'une psychose.

Le jeune psychiatre relut, pour la seconde fois, l’article qu’il désirait faire parvenir à la prestigieuse revue médicale « Schizophrenia ».

« Schizophrénie? Combien de fois avons-nous entendu ce mot prononcé avec une intonation pleine d’interrogations! Que ce soit un parent, un ami ou un patient qui nous pose la question, nous pouvons être pris au dépourvu; car il existe tellement d’informations contradictoires qui circulent au sujet de cette maladie que l’on ne distingue presque plus le vrai du faux.

Nous nous interrogeons souvent pour savoir si telle ou telle manifestation est de nature schizophrénique et, lorsque nous observons un patient, nous nous demandons parfois si celui-ci a vraiment l’impression qu’on va le tuer ou encore qu’il peut entendre des voix, à ce point réelles, qu’il arrive à y croire. Dans ce cas, la médication a-t-elle un effet positif et est-elle l’unique solution? Nous nous posons de nombreuses questions et force nous est d’admettre que nous ne possédons pas tous les éléments qui nous permettraient d’y répondre adéquatement. 

La schizophrénie, longtemps entourée de mystère et considérée comme la rançon des pécheurs, se retrouve aujourd’hui dans la rue avec l’avènement du processus de désinstitutionnalisation amorcé dans plusieurs grands centres hospitaliers de la province. Cette maladie, dont le diagnostic était tenu secret par les médecins à cause de la peur et de l’ignorance, doit maintenant se faire connaître pour permettre aux personnes, qui ont un contact quotidien avec les gens qui en sont affectés, de les aider de manière efficace. En fait, il n’y a rien de honteux à être schizophrène. 

Le mot « schizophrénie » a été employé pour la première fois en 1911 par un psychiatre français, Eugène Bleuler. Avant cette date, les désordres que l’on décrit aujourd’hui par ce mot étaient désignés sous les noms les plus divers : stupidité, idiotie, paranoïa et démence, pour ne nommer que ceux-là. Bleuler, en introduisant ce terme, voulait faire la distinction entre les symptômes de dissociation et les fonctions mentales. Le terme « schizophrénie » est d’ailleurs la fusion de deux termes grecs qui signifient « séparer » (schizo) et « esprit » (phren). À cette époque, la schizophrénie était considérée comme une détérioration de la personnalité et les manifestations de ce désordre, telles les hallucinations et les délires, étaient déjà identifiées. 

Plus tard, soit en 1951, après que Freud eût différencié les concepts de psychose et de névrose, Meyer, un américain, définit la schizophrénie « comme une réaction inadaptée à des situations de vie traumatiques ». Les différents symptômes constitueraient cette réaction inadaptée. 

Aujourd’hui, nous pouvons établir de façon très précise les caractéristiques psychopathologiques des personnes aux prises avec cette maladie. Il s’agit, entre autres, d’hallucinations auditives et visuelles, de délires de référence et de persécution, d’humeur inappropriée, d’affect aplati et d’une socialisation inadéquate. Malgré la précision de ces caractéristiques et des critères de diagnostic énoncés par plusieurs chercheurs, nous devons reconnaître que, même de nos jours, il demeure difficile d’identifier la schizophrénie avec certitude. 

D’abord, la schizophrénie se manifeste de façon différente d’une personne à une autre et ses symptômes sont transitoires ou n’existent jamais tous en même temps chez une personne. Plusieurs de ces symptômes peuvent être l’indice d’un autre désordre mental. 

L’épidémiologie, ou la fréquence d’apparition de la schizophrénie dans la population, est difficile à établir car le diagnostic est difficile à poser. Ce diagnostic varie selon les pays et les cultures ainsi que les modes de pratique des cliniciens. Il existe, par exemple, des régions du monde ou la schizophrénie est peu fréquente, comme en Russie. et dans certaines régions d’Afrique. L’Amérique du Nord est l’endroit où l’on observe le plus grand nombre de victimes de la schizophrénie paranoïde. Selon les chercheurs, ce phénomène serait relié à notre pratique de la religion catholique. Environ 25 % des premières admissions dans les hôpitaux psychiatriques se font sous le diagnostic de la schizophrénie. 

L’ensemble des recherches nous permet de conclure que n’importe qui, dans n’importe quelle partie du monde, a environ une chance sur cent de devenir schizophrène à un moment de sa vie. La schizophrénie peut frapper aussi bien les hommes que les femmes et ne fait aucune distinction sociale. Il est généralement reconnu que l’apparition de cette maladie se fait, dans la plupart des cas, autour de la vingtaine ou de la trentaine. Ceci serait notamment relié à des modifications hormonales qui surviennent à ces âges mais aussi parce que ces deux moments de notre vie correspondent à des tournants où l’individu est susceptible de vivre plus de stress. »

Le docteur Saad posa ses feuilles sur le bureau et poussa un soupir de satisfaction. Voilà qui commençait assez bien son article mais la partie la plus difficile restait à venir. En effet, traiter des causes de la schizophrénie ne serait pas une sinécure, étant donné que plusieurs facteurs entraient en action et qu’il était assez ardu de les relier les uns aux autres …

Son regard erra dans le vague pendant un moment pour, finalement se poser sur le dossier de Fernand Charbonneau. Qu’est-ce qui avait bien pu provoquer sa première crise de schizophrénie à ce monsieur Charbonneau? Il existait sans doute des aspects héréditaires et génétiques qui n’étaient pas négligeables mais comment expliquer que, dans son cas, le frère jumeau, qui avait été élevé dans le même milieu, de la même façon, par les mêmes parents, ne soit pas devenu schizophrène lui aussi et qu’il n’ait jamais souffert de maladie mentale? La schizophrénie avait sûrement une base physique qui s’expliquait par des modifications biochimiques au niveau du cerveau. Comment prouver cela? Des facteurs psychologiques ou des événements stresseurs étaient sûrement à l’origine de cette psychose. 

Le docteur Saad restait perplexe. Les bras croisés, bien adossé dans son fauteuil de cuir, il continuait de réfléchir.

Pour en savoir plus sur le roman Porte 54 , Itinéraire d'une psychose: Cliquez ici 
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