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Où sont les pères

Par Pierre Bolle, Analyste Psychosomaticien, Coaching personnel et sportif, Paris, France 
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Où sont les pères?


Il est d'actualité d'entendre parler de patriarcat, de matriarcat, voire de gynocratie. Ne sommes-nous pas plutôt dans le brouillard ? A voir la détresse qui s'installe chez tous, hommes, femmes et enfants, j'en conclus que c'est le monde entier qui souffre, et se renvoyer la violence les uns les autres ne sert pas à grand chose. Nous sommes tous violents. Cette violence se localise bien souvent en une partie de l'être humain appelée l'inconscient. Si beaucoup rêvent de paradis terrestre, il est clair qu'après des millions d'années d'existence, l'humain, quel que soit son sexe, cultive un esprit de compétition plus guerrier et plus meurtrier que jamais.

Il est étrange que malgré de nombreux textes émanant de la psychologie mais aussi de l'ethnologie et de la théologie, le rôle du père soit si difficile à mettre en place en fonction de chaque culture. Son rôle ''séparateur'', entre autres, qui libère l'enfant dans son psychisme, n'est pourtant plus à démontrer, et il est difficile de comprendre pourquoi tant de mères aimantes de leurs enfants dénient si souvent ce rôle à leur compagnon. Et cela en croyant parfois pouvoir remplir cette mission, souvent même en tuant l'image du masculin et la place du père.

Mais tout d'abord qu'est-ce qu'un père ? Le père, c'est celui qui accompagne l’enfant hors de sa relation indifférenciée au monde et à la mère en particulier, en l’amenant à prendre connaissance et conscience du monde qui l’entoure. Acteur principal de l'individuation, il guide l'enfant vers sa seconde naissance terrestre, celle de sa liberté intérieure au sein de la société. Mais aussi, il est le protecteur. Pour assurer une certaine sécurité émotive à sa famille, il doit évidemment être présent, physiquement et psychologiquement, et se trouver valorisé dans cette fonction. Le père éducateur, tout comme la mère, apprend à l'enfant le renoncement aux satisfactions immédiates de ses désirs, il lui enseigne la patience. Orientant l'enfant vers des activités, ce dernier dirigera son agressivité vers une expression dynamique et positive. Initiant l'enfant au règles de la société, il l'ouvre au respect d'autrui simplement en renonçant à ce que la mère soit tout pour lui. C'est lui qui fixe les limites. Il a aussi la fonction d'introduire le temps et les structures dans la psyché de l'enfant.

Mais le père est avant tout un séparateur. Afin de l'illustrer, faisons référence au traumatisme de la naissance. L'enfant dans le ventre maternel vit des états paradisiaques que Stanislav Grof à qualifiés de ''Vie paisible au sein de l'utérus et d'expérience d'unité cosmique'' (3). Sans toutefois affirmer que cette expérience, ce ''souvenir'', ne soit pas postérieur à la vie intra-utérine. En ce monde, beaucoup de ses besoins sont satisfaits jusqu'à ce que la nature fasse son office : le temps de la naissance, celui de la perte du paradis originel et des premiers obstacles.

Les premières contractions amènent une sensation d'écrasement, de menace vitale qui entrainent souvent une anxiété intense et une méfiance généralisée. Une sorte d'expérience de l'Hades, le royaume des morts et de l'enfer. Par la suite, lors de la progression dans le canal utérin, se vivent des pressions importantes, des expériences de conflits titanesques et la rencontre avec des pulsions sexuelles. Notre initiation à la sexualité se fait dans un contexte de douleur et de combat, en fait un mélange d'excitation sexuelle, de peur panique, d'agression et de menace vitale. Le moment de rencontre avec notre part la plus sombre, l'Ombre telle que la définit Jung. 

Ce processus propre à tout être humain laisse une empreinte profonde dans la psyché de l'enfant. Enfermé dans le canal utérin, ce vécu émotionnel n'ayant pu être exprimé, va façonner deux facettes de la terre originelle contenue dans la mère. Si la présence du père est importante durant la vie intra-utérine, c'est à l'instant de la naissance que le père prend réalité pour l'enfant et s'incarne dans sa vie.

En la psyché de l'enfant, deux facettes de la mère se sont formées : l'une paradisiaque, l'autre plutôt infernale, pour garder ce vocabulaire. C'est ici que s'inscrit la dualité de l'être. Le père dans sa présence instinctive et virile, accompagnera l'enfant vers sa naissance au monde extérieur. Sur lui seront projetées ces facettes de la psyché de l'enfant. Les parents, tour à tour modèles et obstacles, formaliseront des limites et des interdits, ainsi l'enfant renoncera-t-il au désir de retour à la matrice originelle, et progressivement intégrera les deux facettes, s'éloignant des rêves d'un monde imaginaire et idéalisé, prenant sa place dans la construction d'un monde perfectible. Une précision s'impose. C'est entre ces deux pôles que naissent angoisse et frayeur, et c'est de ne pas en sortir qui les actualisent, orientant la psyché vers des positions de sécurité, mais limitantes dans la conception et l'ouverture au monde. Nullement issue de la violence ''dite'' masculine, c'est l'incompréhension de la nécessaire différence homme-femme, ou du mépris de nos complémentarités qui participe à l'angoisse. Un enfant à besoin de la présence et de l'expression de sa mère ET de son père.

La transmission filiale se faisant, chez nous, par le patronyme, cela aide à l'inscription de la présence du père dans la psyché de l'enfant. Ce dernier, issu de la matrice maternelle, ne conçoit pas l'existence du père dans sa conception. Plus tard, traversant les différents états de l'enfance, il peut se concevoir comme son propre créateur si le père n'a pas de présence réelle et symbolique. Le masculin comprend également une conception hiérarchique et logique du monde, approche tant décriée dans une société qui se proclame égalitaire. Cette différence fondamentale s'établit avec le temps, structure l'esprit et accompagne la progression de la vie, ce qui donnera un sens à celle-ci. A travers ce parcours se forme également l'autorité paternelle nécessaire aux enfants. S'il ne doit pas l'exercer sur sa compagne, son autorité, reconnue et en adéquation avec l'autorité maternelle participe à la mise en place de la liberté de l'enfant. Autorité vient du verbe augere qui signifie "accroître", "augmenter", "développer". Dans tous les cas, l'autorité ou l'auteur évoque une fécondité valorisante, une créativité qui fait grandir.

Chaque limite placée par les parents rappellera à l'enfant cet obstacle de naissance. La nature structurée du masculin, enrichie de l'amour paternel, augurera d'un futur plus positif et différent. Il rappellera ainsi ce passage de la naissance, privant l'enfant d'un monde où il aspire à ce que tout lui appartienne. Ainsi ce dernier ouvrira-t-il les yeux sur le monde extérieur. Prenons aussi conscience qu'un même acte n'a pas la même signification quand il émane de l'un ou de l'autre des parents. La puberté, période transitoire questionnant la bisexualité psychique, provoque un trouble réel dans le genre de l'enfant. C'est la période où l'enfant va écarter les modèles de l'enfance pour pouvoir accéder au stade adulte, celui de son être nouveau. Lorsque l'inconscient de l'enfant, suite à ce trouble, va intérioriser son sexe propre, il va intégrer son être, son corps et sa sexuation. C'est quand la totalité de l'Être, conscient et inconscient, obéit aux lois de la nature que l'angoisse tombe. Alors le Surmoi se métamorphose petit à petit, la pulsion sexuelle intégrée, parce que dirigée vers le sexe complémentaire, lui permettra par la suite d'accéder à l'inconscient ''spirituel'', celui du sens de la vie au sein de l'humanité, celui du sens de l'amour oblatif et peut-être de sa ''légende personnelle''.

Suite à ce passage, après intégration de sa sexuation et l'ouverture à la dimension spirituelle de l'inconscient, l'être trouve la libération de ses inhibitions à la jouissance sexuelle. Ce choix signe la fin de l'époque narcissique, par intégration des deux facettes originelles, tour à tour projetées vers le père ou la mère pendant l'enfance. La pulsion de vie amènera l'enfant à trouver un sens à sa vie, à la construire et à en jouir. Il se sentira ainsi ''Un'' parmi tous. A condition, bien sûr, que son père aussi soit présent.

Ce dernier rôle ne peut être rempli que difficilement par la mère, ceci quelle que soit sa personnalité. Contenant les deux facettes, si elle porte seule l'autorité, rappelant l'obstacle de la naissance, elle renverra toujours l'enfant au désir premier. L'enfant ne peut trouver son individualité entre satisfaire un désir symbiotique et affronter l'enfer. C'est ici que s'amorce ce que nous vivons actuellement, à savoir une crise mimétique.

Contrairement à l'actualité contemporaine, une ferme autorité parentale sort de l'angoisse bien plus qu'elle ne la provoque. Le tempérament masculin installe dans le temps, propose une direction et un sens dans l'inconscient et dans la vie de l'enfant. Le père initiant aux jeux virils ou à la séduction extérieure donnera goût à continuer fièrement la construction d'une société qui apprend le partage.

Passant ces étapes, au sein d'un couple où l'altérité fait force, avec l'amour de ses différences et de ses complémentarités, l'enfant passera entre les psychés de ses parents, solide sur les deux piliers de sa création. Il appréciera sa participation au monde. Centré en lui-même, heureux de sa sexuation, l'enfant sentira une énergie débordante à jouir de ses actes comme de sa sexualité, non plus dans le combat et la domination de l'autre, mais dans le partage et la rencontre des différences. Par contre, si c'est une guerre qu'il subit au dessus de lui, c'est la guerre qui demeurera au plus profond de lui, la projetant sur l'autre tel un rêve d'un monde idéal, sans jamais y participer.

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Par Pierre Bolle
Analyste Psychosomaticien
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