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L'accompagnement Psychologique
de l'Homme blessé.

Par Jean-Jacques Gérard - Consultant psycho-éducatif
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L'accompagnement Psychologique de l'Homme blessé.

- Les Ateliers du théâtre de la vie -

"L'accompagnement psychologique des personnes blessés nécessite des professionnels que nous sommes un engagement fort dans la mise en lumière de nos zones d'ombre et de nos pratiques."

"Je veux parler pour ceux et celles qui n'ont pas trouvé le chemin, ces frères et sœurs blessés, ces adolescents, ces hommes et femmes dont on a perdu la trace des cris en regardants leurs délit ou leur crimes. Ils sont en grande souffrance et parlent avec leur corps et/ou celui de l'autre dans une danse souvent macabre. Mal aimé des premières heures, celles d'avant la parole, ils sont devenus les "incassables". Aucune structure ouverte ne peut les contenir, et celles qui sont fermés sont terreaux de récidives. Alors j'ai cherché et cherché encore, pour construire des réponses qui soient dans le respect de la personne, de son projet soignant et de l'ordre public" *

Mes propos d'aujourd'hui émergent de la sidération, de l'innommable, de l'impensable. Découvrir l'humain à l'occasion de certaines épreuves suppose le dépassement de la dualité victime /bourreau. Ce passage de victime au disciple des évènements témoigne de ma confrontation aux sentiments d'impuissance de désarroi, de gâchis, de haine, d'absurdité; en un mot comme en cent au non sens. Le sens vient après coup …; c'est d'abord l'épreuve de la nigredo alchimique. Les subtilités préventives se dégageaient doucement de l'épaisseur de ces drames presque innommables.

La synthèse qui suit est le fruit de mes rencontres en cours d'assise avec des personnes/ auteurs et/ou victimes des faits les plus terribles. Dans ce chemin j'y fus propulsé à partir de la mort de mon fils François (violé et tué à Valence le 5 février 1984) et du fait des résonnances dans mon histoire d'enfant blessé de cette terrible perte/ séparation. Cela témoigne d'un long travail psychologique personnel, d'accompagnements psycho/éducatif auprès d'adolescents en grandes difficultés et d'accompagnements psychologiques régulateurs* d'intervenants sociaux.

L'homme blessé,

Quand nous avons été objet de mépris, de négligences, de maltraitances, d’abus, quand les bras, les paroles, les regards suffisamment aimants ont manqué et parfois très précocement, là où les limites ne sont pas ressenties, la personne ne peut se contrôler ; c’est le règne d’une impuissance angoissante, impuissance à être, impuissance à se contenir, impuissance que les images héroïques révèlent et masquent à la fois. C’est qu’il n’y a pas eu de contenant, ou bien qu’il fut poreux.

Alors l’autre n’existe pas, simplement parce que Soi n’existe pas. Ce mépris de soi et de l’autre se traduira au quotidien par des comportements inappropriés et violents qui expriment les blessures de l’être à des degrés variables. Ici, la fonction paternelle à fait cruellement défaut et la personne dans son fond intérieur n’est jamais assurée d’être à la bonne place ou d’avoir une place dans ce monde. C’est ainsi que l’homme peut être affecté/infecté par des conflits internes qui mettent en relief une fragilité identitaire, un doute ontologique, une faille.

L’impuissance émerge de cette personnalité trouble. L’enfant, pour y survivre, a du refouler parfois jusqu’aux sensations de ses contours corporels, avec dans le même temps des perturbations émotionnelles et cognitives.

Cependant que la jouissance immédiate, irrépressible, mêlée à une angoisse diffuse, apparaît comme une promesse d’accalmie de cet imaginaire sans limite, lequel lié aux pulsions contient les images distordues d’une histoire d’enfant objet.

Un travail psychologique doit être engagé qui aura pour conséquences le désamorçage de la spirale mortifère des passages à l’acte; jusqu’à ces "danses macabres" qui mettent en scène la personne méprisée dans sa quête pour soulager l’angoisse et/ou ces peurs très archaïques qui la taraudent. Cette quête inconsciente de sensations des contours corporels, d’un "moi contenant", est une quête de la limite rassurante.

Ces constatations devraient nous conduire directement à la mise en perspective des questions de peines et de soins, de responsabilité et de culpabilité

C'est à partir de constats, de repérages cliniques largement éprouvée que je peux imaginer des protocoles/programmes psychologiquement contenants et soignants; des dispositifs pour répondre à ces personnes les plus blessées, qu'ils s'agissent d'adolescents "incassables" et/ou d'adultes, ils sont en quête de nos réponses non jugeantes à propos des fantasmes qui les gouvernent.

Il est possible de construire des formations pour les acteurs des secteurs concernés y compris de l'institution judiciaire, des modes de régulations professionnelles individuelles, en groupe, interinstitutionnelles; des contrôles d'établissements pour l'évaluation de l'adéquation des prises en charges aux troubles des usagers; des modes de soutien et d'accompagnements des personnes dans le cadre judiciaire civil ou pénal victimes ou auteurs.

Je pense qu'il faudra beaucoup de temps et une conscience collective large pour que les réponses institutionnelles y compris judiciaires s'articulent vraiment aux réalités psychologiques. la remise en perspective des notions de responsabilité, de culpabilité, de peines et de soins s'impose, cela concerne le politique autant que le législatif.

C'est en prenant à contre-pied la loi du Talion qui se niche encore dangereusement au cœur des lois actuelles, que les préventions des violences et des récidives trouveront leur place associés à l'abolition de la peine de mort.

Mais ne nous y trompons pas l'heure est aux repérages approximatifs, aux réponses inadéquates voire obsolètes, guidées par les opinions du plus grand nombre ; la victime sacralisée est réduite à ses souffrances l'auteur diabolisé aux violences qui le dépassent, au bannissement; là est un terreau des comportements violents et des récidives. Car les logiques sociales mettent en scène plus qu'il n'y parait des mécanismes qui sont en miroir avec les Victimes/auteurs et nous révèlent en deçà de l'apparente modernité, la présence de ces archaïsmes fonctionnels collectif* dont la personne/individu devra s'affranchir.

Jean-Jacques Gérard

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* Extrait du livre "De Chair et de Sens" à la reconquête d'une parole mutilée. Edit.l'Harmattan. collection au-delà du témoignage.

* L'image du "monstre pervers" émerge chaque fois qu'il y a un meurtre d'enfant et nous conduit au déni d'un besoin fondamental: le contact par le toucher. Les hommes, éducateurs et enseignants sont particulièrement visés, ils deviennent suspect au moindre contact physique avec un enfant. En rendant notre toucher de l'enfant suspect, nous favorisons le terreau des violences

Par Jean-Jacques Gérard  - Consultant psycho-éducatif
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