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La guérison intérieure
par l'ACCEPTATION
et le LÂCHER PRISE

(présentation de livre)

Par Colette Portelance
Centre de Relation d'Aide de Montréal
Montréal, Québec, Canada
Publié par les Éditions du CRAM  

Document PDF: Table des matières  
Psycho-News: Communiqué
Tome 1: La guérison intérieure: Un sens à la souffrance

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L'auteur

Colette Portelance 

Colette Portelance, titulaire d’une maîtrise de l’Université de Montréal et d’un doctorat de l’Université de Paris, est formatrice de psychothérapeutes non-directifs créateurs au Centre de relation d’Aide de Montréal et à l’École Internationale de Formation à l’ANDC dont elle est la cofondatrice. Psychothérapeute chevronnée, conférencière internationale recherchée, elle est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la psychologie pratique et créatrice d’une approche révolutionnaire dans le domaine de la psychothérapie: l’approche non-directive créatrice (ANDC).
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La guérison intérieure par l’acceptation et le lâcher-prise

INTRODUCTION

Comment parler d’acceptation en ce début du XXIe siècle quand c’est plutôt la révolte qui anime la plupart d’entre nous? En effet, comment accepter la souffrance, la violence, l’injustice, la malhonnêteté institutionnalisée, le manque de respect généralisé et toutes les calamités qui sévissent dans nos vies, dans celle des autres et dans le monde? L’acceptation de ces réalités ne serait-elle pas une forme de résignation?

Il fut un temps où le seul mot acceptation me faisait réagir. Dans mon esprit, il était synonyme de passivité, d’insensibilité, d’indifférence. Accepter voulait dire laisser faire, se laisser faire, présenter l’autre joue à celui qui nous a giflés. J’étais loin de trouver dans la signification que j’accordais à ce mot le sentiment de pouvoir et de libération qu’il me procure aujourd’hui.

Ce sont surtout les expériences de la vie qui m’ont fait saisir ce que la véritable acceptation pouvait m’apporter de paix et de libération intérieures. Pour accéder à cette quiétude, j’ai dû étrangement passer d’abord par la porte de la responsabilité. Autrement dit, j’ai dû prendre définitivement en charge mes émotions souffrantes et mes besoins insatisfaits. J’ai pris conscience en franchissant cette porte que je dépendais beaucoup moins du monde extérieur. Assumer que j’étais responsable des malaises que je vivais par rapport à mes déclencheurs me procurait un agréable sentiment de liberté et de pouvoir sur ma vie.

Après l’avoir découverte, je me suis donc investie à fond dans la pratique de la responsabilité parce que j’étais convaincue qu’elle me libérerait définitivement de toute souffrance. Chaque fois que quelque chose n’allait pas bien dans mon existence, je cherchais immédiatement en quoi j’en étais responsable. Cela m’apportait toujours un sentiment de paix intérieure. Malheureusement, ce sentiment ne durait pas. En effet, en dépit de mes efforts, je répétais les mêmes fonctionnements insatisfaisants et je réagissais de la même manière défensive aux mêmes types de déclencheurs.

Cette prise de conscience a suscité en moi de sérieux doutes et de nombreux questionnements par rapport à la pertinence de la responsabilité comme moyen de résolution de toutes mes difficultés. J’avais parfois le sentiment de tourner en rond et je ne comprenais pas pourquoi. Malgré un travail constant pour me libérer de tout ce qui me dérangeait et me blessait, je n’en demeurais pas moins à la merci d’une vulnérabilité qui me faisait énormément souffrir. Contrairement à ce que j’avais cru, le fait d’assumer la responsabilité de mon vécu et de mes besoins physiques et psychiques ne suffisait pas à me rendre totalement libre, à réduire mes souffrances de façon significative et à résoudre mes problèmes.

C’est par la venue dans ma vie d’un événement particulièrement éprouvant que j’ai finalement découvert pourquoi, malgré mes peines, je n’obtenais que des résultats temporaires et fugitifs dans la résolution de mes ennuis par le moyen de la responsabilité. Grâce à cet événement, j’ai vu que, au cours de ces années ininterrompues de remises en question, j’avais utilisé trop souvent cette pratique comme mécanisme de défense. Dansces moments-là, au lieu de prendre le temps d’accueillir mes malaises dès que je les ressentais, je cherchais en quoi j’en étais responsable. J’agissais ainsi pour éviter de tomber dans une attitude de victime et surtout pour ne pas souffrir. De cette manière, j’abandonnais ma souffrance en la rationalisant. J’adoucissais temporairement mon mal-être, mais le bien-être obtenu ne durait pas longtemps. Les mêmes malaises revenaient sans cesse et m’affectaient chaque fois avec autant d’intensité.

Quand j’ai appris, le 29 octobre l999, que j’étais atteinte d’une maladie auto-immune dite incurable, petit à petit, la lumière a commencé à se faire sur la cause de mes insatisfactions. À ce moment-là, j’ai réagi à ce sévère diagnostic comme je le faisais depuis de nombreuses années devant les difficultés rencontrées : j’ai cherché ma part de responsabilité quant à l’apparition d’une épreuve aussi importante dans mon existence. Ceux qui ont lu La guérison intérieure, un sens à la souffrance savent tout le cheminement que m’a fait accomplir la maladie par rapport à ma façon de concevoir et d’appliquer la notion de responsabilité. Je ne répéterai pas dans ce livre ce que j’ai écrit dans le précédent, mais j’approfondirai le sujet sous l’angle d’un autre thème, celui de l’acceptation et du lâcher-prise, qui fera l’objet du présent ouvrage.

Au cours des premières années qui ont suivi le diagnostic, j’ai donc pris en main ma nouvelle situation avec toute la détermination qui me caractérise. Profondément convaincue que l’entière responsabilité m’incombait, j’ai affronté cette maladie avec l’ardente conviction que je m’en sortirais. En dépit du mot incurable utilisé par les médecins, j’avais la certitude absolue que je guérirais. Je ne nourrissais absolument aucun doute là-dessus. Comme j’étais responsable de cette épreuve, j’étais sûre que le pouvoir de guérison ne dépendait que de moi et que je possédais toutes les ressources pour traverser cette difficulté, aussi impressionnante fût-elle. D’ailleurs, n’avais-je pas réussi à obtenir tout ce que je voulais dans le passé grâce à l’effort, à la persévérance, à la volonté et à la discipline? Avec ces atouts à mon actif, je croyais sincèrement que, une fois de plus, j’atteindrais mon objectif et que je guérirais indubitablement ce corps gravement affaibli et sérieusement ravagé par le lupus érythémateux disséminé.

Je ne voulais absolument pas de cette maladie. C’est pourquoi j’ai tout fait ce qui était en mon pouvoir pour m’en débarrasser. J’avais d’ailleurs autre chose de beaucoup plus important à réaliser que de régler de vulgaires problèmes de santé. Je voyais le lupus comme un gros chêne jeté par la foudre en plein milieu de mon chemin, un chêne qui me barrait la route et qui m’empêchait d’avancer. Je me transformerais en bulldozer s’il le fallait pour enlever cet obstacle, mais il disparaîtrait car je considérais qu’il n’était pas à sa place. Ainsi, avec mes ressources habituelles, j’ai réussi à le soulever puis à commencer à le déplacer et, au moment où j’allais l’écarter du chemin, il est retombé et s’est enfoncé profondément dans le sol à un point tel que, malgré l’effort, la persévérance, la volonté et la discipline qui m’avaient ouvert toutes les portes jusqu’alors, je n’avais plus aucune prise sur lui. J’étais épuisée, au bout de mes forces, anéantie.

J’ai vécu à ce moment-là des émotions difficiles à décrire tellement elles étaient intenses. J’avais l’impression d’avoir perdu le combat et, pour la première fois de ma vie, d’avoir rencontré mon Waterloo. Jamais auparavant, je n’avais ressenti un tel sentiment d’échec. J’étais battue, vaincue, au plancher. Je me sentais diminuée, rabaissée, réduite à RIEN. Je ne pouvais plus RIEN, donc je ne valais plus RIEN. À ce sujet, je lis dans mon journal du 12 novembre 2005 :

La maladie, c’est l’échec de ma vie, le premier obstacle que je n’arrive pas à surmonter. Elle est plus forte que moi. Je n’ai pas réussi à la dompter. C’est elle qui mène, c’est elle qui décide. Je suis au bout de mes forces et au bout de mes ressources. Je suis vidée de mon énergie et complètement démunie. Le corps a gagné la bataille sur ma volonté. Je n’ai plus le choix, je dois abdiquer et j’ai honte, terriblement honte.

J’ai connu alors une période de totale impuissance et de profond découragement, une période au cours de laquelle je ne voyais aucun moyen de briser les limites que m’imposait la maladie et aucune solution pour m’en sortir. Ma foi en l’énergie divine ne me procurait pas la paix recherchée parce que je n’arrivais pas à lâcher-prise. Je me demandais pourquoi je ne pouvais pas vaincre cette difficulté avec mes ressources habituelles. Christiane Singer, dans le livre qu’elle a écrit au cours des six derniers mois de sa vie, m’a secouée par ces mots : « Quant à ceux qui voient dans la maladie un échec ou une catastrophe, ils n’ont pas encore commencé à vivre (1). »

Jusqu’à cette pseudo-défaite, je croyais pourtant avoir pleinement vécu. Cependant, je sentais bien qu’il manquait quelque chose de fondamental à mon bien-être intérieur. En réalité, je ne vivais pas totalement ma vie parce que je dépensais une trop grande partie de mon énergie vitale à la contrôler. Je tenais la barre de mon bateau bien fermement pour rester le seul maître à bord. Il m’a fallu un écueil important pour que je desserre les mains du gouvernail et que je commence à me laisser porter par la vague. J’ai dû atteindre les limites de mes forces humaines pour expérimenter la présence de mes forces spirituelles. Il m’a fallu ce sentiment d’échec pour que j’arrive à découvrir ce qu’est la véritable victoire, celle que procurent le lâcher-prise et l’acceptation.

L’école de l’expérience m’a fait intégrer ce que j’avais appris à l’école de la connaissance. Ah! Comme le SAVOIR est loin de la VIE! Nous ne commençons à vivre que lorsque nous expérimentons ce que nous savons. C’est la raison pour laquelle toutes nos expériences, souvent les plus difficiles, sont des sources de renaissance. Voilà pourquoi, comme l’ajoute Singer, grâce à chacune d’elles, nous entrons toujours un peu plus en profondeur dans cette merveilleuse aventure qu’est la vie.

Quel cadeau que cette maladie! Grâce à elle, au moment où j’étais le plus démuni, j’ai découvert mes plus grandes richesses. Il a suffi que j’amoindrisse le contrôle que j’exerçais sur ma vie et que j’accepte « ce qui est » pour que je puisse ressentir la paix, la sérénité, l’amour et la liberté et que je puisse comprendre que c’est uniquement dans cet état de bien-être profond que se trouve la guérison intérieure que je recherchais depuis si longtemps.

La maladie m’a fait comprendre pourquoi j’avais le sentiment de faire du surplace malgré le fait que j’assumais l’entière responsabilité de ce qui m’arrivait. Il manquait un maillon à la chaîne de mon fonctionnement : quand je souffrais trop, je passais directement de la prise de conscience de mes douleurs physiques et psychiques à la responsabilité. Je ne prenais pas le temps de bien ressentir les douleurs ni d’identifier ce qu’elles contenaient de honte, de culpabilité et d’humiliation. Je rejetais inconsciemment les ombres intérieures que suscitaient en moi mes déclencheurs et je m’en défendais par le refoulement et la rationalisation. Par ce fonctionnement, je négligeais une étape importante du processus de libération : l’acceptation. Dans les périodes les plus difficiles de ma vie, je ne respectais pas ce processus que j’avais moi-même développé dans Relation d’aide et amour de soi (2). Je voulais tellement me libérer de la souffrance que j’oubliais de l’accueillir et de lui laisser sa place. Je combattais la réalité plutôt que la vivre. Je voulais tant guérir ce corps qui me faisait mal; je luttais contre la douleur au lieu de faire corps avec elle. Je n’avais pas encore compris qu’être responsable sans accomplir un travail profond et durable d’acceptation des événements imprévus de notre vie et de nos zones négatives ne suffit pas pour favoriser le déroulement du processus de libération et de changement.

L’expérience de l’acceptation m’a libérée : non pas une acceptation temporaire avec l’attente de la disparition des symptômes mais une acceptation définitive, totale, complète, sans résignation. Sans cette acceptation, mon cheminement vers la guérison intérieure n’aurait pas été possible. Cette forme de guérison s’est avérée tellement importante comme moyen de me faire accéder à la paix et la sérénité dans l’épreuve que j’ai décidé d’en faire le sujet de ce deuxième ouvrage sur le thème de la guérison intérieure. Comme je l’ai fait pour le premier, intitulé La guérison intérieure, un sens à la souffrance, je me suis inspirée pour rédiger celui-ci du journal personnel que j’ai écrit depuis l’apparition des premiers symptômes de la maladie jusqu’à ce jour. Dans ce journal intime se trouvent mon vécu et les réflexions que j’ai tirées des nombreux ouvrages que j’ai lus depuis le 29 octobre 1999, jour où j’ai appris que j’étais atteinte de cette maladie soi-disant incurable. Je me suis aussi inspirée du journal professionnel que j’ai toujours tenu à la suite de chacune de mes interventions et ce, depuis le début de ma carrière de thérapeute et de formatrice.

Pour partager mon expérience de l’acceptation de cette épreuve et de tout ce qu’elle m’a fait vivre et découvrir, je situerai d’abord le lecteur par rapport au sens que je donne dans cet ouvrage aux mots acceptation et lâcher-prise. Je poursuivrai par les thèmes suivants : accepter ce qui est, accepter ce qu’on est et accepter les autres tels qu’ils sont. Je terminerai en parlant des moyens que j'ai utilisés pour développer le lâcher-prise et améliorer ma capacité d’acceptation.

L’écriture ayant sur moi un effet thérapeutique exceptionnel, j’ai écrit La guérison intérieure par l’acceptation et la lâcher-prise d’abord et avant tout pour intégrer davantage dans ma vie les bienfaits ressentis quand j’accepte et que je lâche prise. Je l’ai écrit aussi en pensant à ceux qui, comme moi, ont connu une épreuve qui a bouleversé leur vie et à ceux qui se sentent souvent impuissants devant les difficultés qu’ils rencontrent ou devant les maux qui accablent les êtres qui leur sont les plus chers. Je l’ai écrit également pour les aidants de tous les milieux qui sont très souvent confrontés à un manque de moyens pour soulager la souffrance qui affecte leurs clients. Je l’ai écrit surtout pour ceux qui en ont assez de vivre dans la tourmente et qui veulent atteindre la paix, la sérénité, l’amour et la liberté qu’apporte la guérison intérieure. Je souhaite que tous puissent trouver dans l’acceptation et le lâcher-prise autant de satisfaction et de libération que j’en expérimente quotidiennement moi-même.

Colette Portelance
© 2008 Les Éditions du CRAM Inc.

(1) SINGER, Christiane. Derniers fragments d’un long voyage. Paris : Éditions Albin Michel, 2006, page 28.
(2) Le lecteur trouvera la description du processus de libération et de changement au chapitre 4 de Relation d’aide et amour de soi. Montréal : Éditions du Cram.

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