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Entre Savoir et savoir-faire : 
les facteurs situationnels en psychothérapie

Dominique Brunet,Ph.D. Docteur en psychologie
Psychologue clinicienne et psychothérapeute, France

Entre Savoir et savoir-faire : les facteurs situationnels en psychothérapie

L’intervention en psychothérapie et son succès dépend d’un ensemble de variables de deux types : un, la modalité pratique employée, approches multimodale ou unimodale sous-tendues par leurs schèmes théorico-pratiques (1) ; deux, une série de facteurs que j’appelle facteurs situationnels.
En d’autres termes, le bon ou moins bon déroulement d’une psychothérapie dépend certes de la qualité des outils que le psychothérapeute utilise (i.e. sa ou ses techniques procédant d’un ou d’une combinaison de modèles théorico-pratiques)) et donc de leur fiabilité mais aussi de la façon dont il utilise ces outils donné la situation particulière dans laquelle il travaille soit celle d’une relation interpersonnelle à but psychothérapeutique et ce, compte tenu des variables faisant partie intégrante d’une telle situation ou qui apparaissent au cours de cette situation.

« Querelles de clochers, de chapelles, d’écoles » mises à part, nous nous intéressons ici uniquement aux facteurs que j’appelle situationnels.

Alors que la seule façon de traiter la psyché dans tous ses états ne peut se faire qu’au travers d’une relation psychothérapeutique (2) , donc un processus qui a lieu entre au moins deux personnes par le médium de la parole et quand l’on sait combien les mots (3) , sans oublier la façon de les dire, le moment où ils sont prononcés, peuvent être aussi fragiles, aussi changeants, aussi dévastateurs ou, au contraire, aussi apaisants que le sont les idées et autres perceptions virtuelles desquelles ils procèdent et dont ils sont une reproduction parfois brutale, parfois grossière, pas toujours fidèle, nous nous doutons que tout un ensemble de facteurs auxquels nous ne pensons pas toujours (4) et qui apparaissent au cours de ce type particulier de situation qu’est la relation psychothérapeutique vont avoir un rôle déterminant dans le bon ou moins bon déroulement du processus et ce, y compris, dès le début, à l’issue du premier entretien. Comme nous allons le voir, ces facteurs ont TOUS une influence, pas toujours décelable, dans le processus psychothérapeutique.
Nous avons différencié les facteurs situationnels inhérents à cette relation interpersonnelle particulière qu’est la relation psychothérapeutique et les facteurs situationnels incidents ou aléas de la vie.

A) Les facteurs situationnels inhérents à la relation psychothérapeutique.

Les premières impressions. 

Dès la première consultation, comme cela a lieu dans toute relation interpersonnelle, il existe dans la relation psychothérapeutique un phénomène que l’on appelle les premières impressions. 
En effet, au terme d’une première consultation, la personne peut très bien décider de ne pas revenir ou bien, alors qu’un rendez-vous a été fixé, elle décide de ne pas se présenter.
Qu’a-t-il bien pu se passer? 
Dès qu’il y a échange verbal, en face à face et de visu, entre deux ou plusieurs personnes, indépendamment du type de relation qu’elles entretiennent (5) , y compris même du contenu verbal de leur entretien, nous savons tous et toutes que nous avons tendance à nous « faire une idée, une opinion» de l’autre, qu’on l’admette on non et ce, au-delà des mots. L’impression de ce premier contact est soit positive, soit négative, soit on reste indécis, soit autrui nous laisse indifférent.
Or, dans le contexte d’une intervention en psychothérapie, ces impressions admises ou non, fugitives ou tenaces, que tout un chacun éprouve, ces impressions prennent une tonalité et une intensité particulières. Pourquoi ?
Nos impressions venant de notre psyché et l’objet de la psychothérapie étant cette même psyché, il devient clair que nos impressions risquent fort soit d’interférer soit, au contraire, de favoriser le travail en psychothérapie.
Nous voyons donc pourquoi, au-delà des mots prononcés et de la ou des techniques employées, ces impressions que l’on a de l’autre, de façon consciente ou fugace, donc plus ou moins inconsciente, sans y penser véritablement, peuvent avoir une importance capitale dans le processus de rétablissement, de guérison, de résolution des problèmes et autres conflits relationnels ou personnels quand elles sont assez fortes pour influer sur l’engagement de la personne consultante dans la poursuite des entretiens ou au contraire sur son refus de continuer.
Ces impressions constituent l’une de ces particularités à prendre en compte dans la relation psychothérapeutique et un facteur situationnel qui est dans le même temps inhérent à tout type de relation entre personnes, autre que psychothérapeutique. Cette singularité doit rester présente à l’esprit du psychothérapeute quand il reçoit sa clientèle.

B) Les facteurs situationnels spécifiques à la relation psychothérapeutique. 

Donné la configuration de la relation psychothérapeutique, celle-ci s’ordonne autour d’au moins deux protagonistes, une personne qui vient demander de l’aide et la personne qui offre cette aide, le médium d’intervention le plus fréquemment utilisé étant le langage essentiellement (6) , le tout s’opérant sur le continuum temps. 
Il y a donc des facteurs qui appartiennent à la structure même de ce type de relation interpersonnelle, les facteurs structurels, et des facteurs psychologiques qui appartiennent à la psychologie des protagonistes de cette relation, le psychothérapeute d’une part, la ou les personnes consultantes d’autre part. 

Voyons les facteurs structurels.
A la différence d’autres situations à but thérapeutique, dans notre cas, celui de la psychothérapie, c’est la relation seule qui est censée apporter un bienfait à la personne qui vient consulter. 
Donc, a) ce n’est pas un banal échange de politesse verbale entre deux ou plusieurs personnes : le « comment allez-vous ? ça va, merci ; et vous ? » et b) il n’y a pas non plus d’objet transitionnel qui, bien souvent, va faciliter les échanges entre personnes comme par exemple un médicament, une potion, une ordonnance dont on fait présent à la personne consultante, un « cadeau » en quelque sorte. 

Dans la majorité des psychothérapies, il n’y a donc comme variables structurelles de nature physique influant sur le bon ou moins bon déroulement de la psychothérapie que :

1) le « langage» utilisé comme « instrument » psychothérapeutique ; les mots sont considérés comme l’onguent du psychothérapeute.
2) quoique le processus psychothérapeutique (7) passe principalement par l’expression verbale, dans une certaine mesure, l’expression non-verbale possède elle-aussi un impact, soit positif à valeur thérapeutique, soit négatif. Tout comme un mot ou une parole peuvent être bien ou mal interprétés, une expression non verbale peut l’être aussi : un sourire, un mouvement de tête, le silence ont la capacité de rassurer quand ils sont perçus comme signes de compréhension, d’empathie, d’approbation ; soit au contraire, s’ils sont mal interprétés, ils présentent le risque de déstabiliser la personne consultante . Donc, dans une moindre mesure, l’expression non-verbale que ce soit par l’expression faciale ou les silences (8) , sont à considérer dans le processus psychothérapeutique. 
Par contre, comme dans tout processus thérapeutique, une variable de prime importance est à considérer
3) le temps (9) , dans notre cas, le temps psychothérapeutique, soit le temps nécessaire à la réflexion chez la personne consultante, ce temps de réflexion étant à son tour soumis à de multiples variables dont celles qui dépendent en premier lieu de la personne consultante elle-même (10). 
A noter qu’il existe sur ce sujet des expressions de sagesse populaire qui rendent compte de ce phénomène de maturation des idées: « attendre que les idées fassent leur chemin », ou bien « laisser les idées mûrir », ou encore « la nuit porte conseil », toutes expressions donnant à entendre qu’il faut un certain temps avant de se faire une opinion sûre, avant de prendre les bonnes décisions, avant de parvenir à des idées claires ; ce qui veut dire, en d’autres termes, qu’il existe des intervalles de temps à respecter avant que la pensée ne se fixe en se stabilisant par un processus de réflexion plus ou moins consciente.
Toujours s’inscrivant dans cette dimension du temps psychothérapeutique mais cette fois-ci en termes de moments, une quatrième variable physique est à prendre en compte c’est celle attribuée aux moments psychothérapeutiques. 
4) les moments psychothérapeutiques soit les instants propices au cours duquel le psychothérapeute intervient par la parole ou bien les moments où il reste à l’écoute, le silence s’imposant.

D’où l’importance pour le psychothérapeute:
1)
du choix des mots qu’il utilise,
2) de sa capacité à appréhender, de la façon la plus pertinente possible durant les consultations, les moments thérapeutiques, c’est-à-dire ces moments durant lesquels l’écoute est de rigueur ou bien ceux qui vont être propices à une intervention auprès de la personne consultante sous forme de réponses aux questions, reflets, analyse, synthèse, explications, interprétations quand cette expression verbale sera perçue comme bénéfique pour la personne consultante.
3) de la prise en compte du temps qui s’écoule, dans notre cas, le temps de maturation des idées.

Ces trois points sont à garder en mémoire dans le déroulement de l’acte psychothérapeutique. L’objet de nos soins et de notre attention étant d’une part, une psyché fragile ou fragilisée alors que, d’autre part, nous nous adressons à cet ensemble des facultés cérébrales qui font appel au système cognitif dans ses expressions à la fois rationnelles (compréhension, jugement, bon sens, logique du raisonnement) et perceptuelles de type émotivo-affectif et mnémonique (rappels d’émotions, de sensations, de sentiments, de rêveries, de phantasmes, de souvenirs visuels ou autres) chez la personne, le sens des mots, la valeur d’une expression verbale, la portée d’un signe non-verbal, le choix des moments propices durant lesquels on intervient ou bien l’on reste silencieux, le respect du temps qui s’écoule en réflexion consciente ou à travers des mécanismes inconscients sont des dimensions de notre savoir-faire, notre art dirons certains, extrêmement précieuses, mais certes fragiles ! 
Dans les cas extrêmes, tout peut basculer en une fraction de seconde en positif ou négatif. En un éclair, c’est une prise de conscience qui rend la joie de vivre et on a envie de « sauter au cou » de son thérapeute ou bien c’est le rejet brutal de la thérapie et du psychothérapeute pour un mot mal compris, une phrase mal interprétée.

On peut donc résumer ces dimensions de notre savoir-faire, en général, considérées pour acquises et donc vite oubliées, négligées même, comme participant à l’appréciation par le thérapeute de quand et comment pratiquer son art avec sa ou ses techniques ; il est à noter cependant que ce savoir-faire demande de sa part des aptitudes psychologiques spécifiques (11) . 
De même, du côté de la personne consultante, certaines attitudes de type psychologique seront à considérer dans le bon ou moins bon déroulement du processus thérapeutique.

Quels sont ces facteurs psychologiques, tant du côté du psychothérapeute que de celui de la personne consultante, qui participent à la qualité de la relation psychothérapeutique ?

Commençons avec ceux qui sont pertinents au psychothérapeute. Nous les appellerons ses aptitudes psychologiques.
En voici quelques unes : capacité à inspirer confiance, flexibilité de la pensée, intuition ou compréhension intrinsèque, inventivité ou créativité, attention, concentration et perspicacité, chaleur ou empathie, sachant au besoin induire la motivation. 

Examinons ces quelques aptitudes.

1. la confiance, qualité personnelle sine qua non dans toute relation, surtout dans ce type de relation particulière qu’est la psychothérapie. C’est la confiance en ses paroles, confiance en sa pratique, confiance en sa capacité à garder des secrets. Au cours des interventions, la personne consultante ouvre son âme au thérapeute. Elle va partager son intimité psychique avec cette autre personne, spécialiste certes mais qui, au début, lui est étrangère. Elle va lui confier ses secrets, ses doutes, ses envies, ses désirs, ses frustrations, ses ambitions ou, au contraire ses grandes faiblesses, ses émotions, ses sentiments, en bref ses pensées, perceptions et autres comportements virtuels, fragments ou grands pans de sa vie que, dans certains cas, elle ne pourrait ou ne voudrait partager avec quelqu’un d’autre, que ce soit un parent aimé, une âme-sœur, un ami ou une amie des plus chers, ou bien le ou la confidente des plus sûres. Dans ce type de relation, va donc être dévolu au psychothérapeute un rôle basé tout d’abord sur la confiance, confiance en ses capacités à régler les problèmes posés certes mais en plus, confiance en ses qualités morales, en son éthique.
2. la flexibilité de sa pensée qui lui permet de s’adapter à toute personne et à tout contexte qui se présente à lui, par exemple ajuster la ou les techniques qu’il maîtrise aux caractéristiques de la personne consultante, aux situations, ici et maintenant, dans lesquelles cette personne est placée ainsi qu’aux moments thérapeutiques.
3. l’intuition qu’il utilise d’une part dans la compréhension intrinsèque instantanée de ce que la personne consultante vit, ressent et signifie au-delà de ses propres mots, au-delà de ce qu’elle dit (12) et, d’autre part, dans la façon de mener les interventions psychothérapeutiques à tout moment et en toutes situations, tant celles faites dans l’urgence d’une situation apparue dans l’instant que sur le continuum temporel de la thérapie, un cheminement à plus ou moins long terme lorsque l’on est en quête de soi ou à moyen-terme s’étalant sur quelques semaines à quelques mois pour des problèmes plus circonscrits,
4. cette forme d’intuition étant à associer à l’inventivité ou créativité, donc à la facilité avec laquelle on s’ajuste aux situations en trouvant des façons personnalisées de résoudre problèmes et difficultés. Cette aptitude est à relier à la flexibilité mentale.
5. sans oublier l’attention et la concentration, deux facultés allant de paire, ainsi que la perspicacité, toutes fonctions de type cognitif qui sont nécessaires quand on accompagne la personne consultante dans les chausse-trapes qui lui sont tendues par ses émotions conflictuelles et paradoxales, ses perceptions biaisées, prise qu’elle est dans le piège d’un raisonnement illusoire, le thérapeute demeurant attentif aux blessures psycho-affectives tant récentes qu’anciennes qu’aura subi cette personne, capable qu’il est d’identifier ses fragilités, ses doutes, ses incertitudes mais aussi ses forces.
6. une aisance naturelle dans sa relation avec la personne consultante, soit une relation chaleureuse, empathique, sans être émotionnelle et affective (13) ; il apporte soutien, réconfort, tout en inspirant la confiance non seulement de par sa personnalité mais aussi par son savoir et son savoir-faire, sachant entre autres capacités
7. induire la motivation chez la personne consultante quand elle en a besoin, en suscitant son intérêt, en facilitant son désir à changer ou à modifier ses comportements, ses façons de penser, de percevoir le monde et elle-même, en bref en lui redonnant courage, confiance en elle-même pour pouvoir aller de l’avant, sans se laisser abattre par les aléas de la vie, les déceptions, les mauvais mots ou méchanceté des personnes qu’elle rencontre ou auxquelles elle est confrontée.

Dans le déroulement de la consultation, le psychothérapeute s’assure de la bonne maîtrise de sa pensée, de son affect, de ses émotions, en restant toujours vigilant quant au maintien de son objectivité, conservant un regard positif sur la personne consultante sans la juger, veillant aux interférences possibles de ses propres idées, sentiments et impressions d’autrui, donc extrêmement attentif à un contre-transfert toujours possible. 
En effet, s’il y a charge émotionnelle dans la relation psychothérapeutique, elle risque de se traduire par les phénomènes de transfert et, ou de contre-transfert : phénomènes qui se développent en général plus sur la durée, moins souvent sur le court-terme, les affinités ou leurs contraires n’étant pas toujours clairement perçues au début, quoique n’oublions pas les premières impressions ! Mais, il est certain que la charge émotionnelle, positive ou négative ou paradoxale quand il y a alternance de ces deux pôles, est favorisée par le phénomène d’habituation à l’autre.
D’où l’attention que l’on porte à ne pas trop personnaliser la relation psychothérapeutique étant donné ce possible risque de boomerang sous forme de feed-back, par trop positif ou négatif, ou avec les deux en alternance, quand on cède à une familiarité qui enlève à la tonalité professionnelle. Il s’agit donc de rester en situation, dans son rôle de thérapeute. Mais, on comprend que la situation qu’entraîne la relation psychothérapeutique, soit celle de l’intimité psychique qui se présente, devienne un contexte délicat à gérer quand on débute dans la profession.

Les facteurs psychologiques pré-requis de la part de la personne consultante sont ce que j’appelle ses attitudes face à la situation dans laquelle elle entre. 

Parmi les attitudes psychologiques qui sont nécessaires au bon déroulement de la thérapie se trouvent en première position, à égalité, son authenticité et sa motivation.
L’authenticité de sa démarche. 
Comme le matériau de travail du thérapeute est principalement le discours fourni par la personne consultante, si celle-ci ne dit pas ce qu’elle ressent, perçoit, a vécu et qu’elle induit le thérapeute en erreur, l’orientant sur de fausses pistes, s’inventant une histoire, un caractère, une personnalité, la thérapie c’est-à-dire l’aide que peut apporter le thérapeute n’aura aucune valeur.
Sa motivation soit la volonté sincère qu’elle a de faire des efforts pour changer donc son courage, sa ténacité. 
Cette disposition personnelle que représente l’action sur la pensée et sur les comportements est un énorme atout dans le succès d’une psychothérapie. Ayant la volonté de « s’en sortir », la personne consultante devient actrice de sa thérapie ; elle n’hésite pas alors à s’engager sur la durée si nécessaire. 
L’engagement sur la durée, indice de motivation ou volonté de résoudre ses difficultés, va mettre en jeu et être solidaire d’un autre facteur de prime importance dans le bon ou moins bon déroulement de la psychothérapie : le temps psychothérapeutique, celui de la maturation des idées, de leur cheminement plus ou moins long dans le cerveau, ce cheminement incluant réflexion, analyse, synthèse, comparaison, compréhension, questionnements, acceptations ou refus, prises de conscience. 
Nous en avons fait la remarque précédemment, ce temps de maturation en psychothérapie est inclusif de la notion de guérison donc de thérapie. Le temps devient en soi un des agents psychothérapeutiques ; nous réalisons qu’il est aussi sous la dépendance d’une attitude psychologique de prime importance chez la personne consultante, sa motivation, soit sa volonté, sa ténacité, son courage, et … sa patience !
A contrario, être passif, « subir » une psychothérapie en attendant le miracle du thérapeute et se mentir à soi-même, ou produire de faux éléments interfèrent avec un processus thérapeutique.

C. Les facteurs situationnels incidents ou aléas de l’existence

Dernier ensemble de facteurs qui peuvent influer sur le cours des interventions en psychothérapie, les aléas de la vie. 
Dans ce groupe, nous mettons les circonstances extérieures, situations fortuites, qui font que le processus psychothérapeutique sera accéléré ou stoppé ou retardé. 
Par exemple, dans la vie de la personne alors qu’elle se trouve en thérapie, ont lieu un événement, une situation, conversation entendue à l’improviste, comportements dont elle est témoin, une sensation de « déjà vu » à propos d’un lieu, d’une personne.
Ces évènements ou situations inattendues vont brusquement mettre un terme à ses attentes, confirmer ses craintes ou les infirmer, lui donner l’énergie nécessaire pour prendre des décisions qu’elle retardait jusqu’alors ou, au contraire, anéantir toute volonté de changement, réactiver un passé douloureux ou, au contraire, lui fournir la dernière « clef » pour comprendre l’origine de ses peurs ou de ses angoisses. 

Citons deux exemples. 
Un, celui d’une jeune femme venue en thérapie sur une période de plusieurs mois parce que sa relation avec son mari devenait invivable. Elle ne s’entendait plus avec lui et pensait à une séparation mais sans s’y résoudre cependant. Le mari était décrit comme froid, très centré sur lui-même et toujours prêt à la critiquer pour ce qu’elle disait ou faisait, y compris quand il s’agissait d’une banale conversation ou des tâches domestiques. Rien n’avait grâce à ses yeux. Les déceptions s’accumulant au fil des ans, au désespoir de la jeune femme, elle n’en pouvait plus, disait-elle, de se voir humiliée presque quotidiennement. 
Alors que le couple se trouvait en vacances avec un groupe d’amis, il arriva qu’elle entendît fortuitement une conversation que son mari avait à son sujet, la critiquant ouvertement auprès de leurs amis communs ; ce n’était pas la première fois mais, à l’habitude cela se passait en sa présence. Elle se sentit une énième fois blessée et, cette fois-ci, de plus, humiliée et trahie. 
Doutes, questionnements, n’avaient plus lieu d’être. Sa décision était claire : celle de son départ définitif ; ce qu’elle fit après mise au point avec le mari. 
La trahison ressentie à l’écoute fortuite de son époux la « démolissant » auprès de leurs amis communs avait fait l’effet d’un électro-choc. la jeune femme s’était rendue à l’évidence : son mari ne l’aimait pas.
Second exemple : celui d’une femme d’une trentaine d’années en thérapie depuis près d’un an pour cause d’angoisse diffuse, généralisée. Elle s’était toujours connue angoissée et avait décidé d’entreprendre une thérapie après une déception amoureuse qui l’avait beaucoup marquée. Lors d’une visite à une amie qui lui faisait visiter son nouvel appartement, elle se mit à ressentir les mêmes peurs intenses que lorsqu’elle était enfant. 
Au cours de la consultation qui suivit cette visite, la jeune femme réalisa que l’appartement de son amie, dans la configuration qu’il avait, avec son manque de luminosité, l’endroit où il se trouvait, lui rappelait étrangement l’appartement où elle allait passer des vacances d’été quand elle était jeune enfant. C’était celui d’un oncle et d’une tante qui avaient un fils d’une dizaine d’années plus âgé qu’elle. C’est alors que, parmi les souvenirs enfouis et oubliés, elle évoqua les comportements de ce cousin quand l’oncle et la tante étaient absents. 
L’angoisse diffuse dans laquelle elle vivait depuis si longtemps s’estompa au fil des semaines qui suivirent cette révélation. Comme elle l’exprima elle-même, « un immense poids » avait été levé. 

A l’opposé d’un dénouement presque magique dû à des coïncidences heureuses apparues incidemment au cours du processus thérapeutique, un contexte défavorable se présente qui va télescoper le processus soit en le retardant soit en l’arrêtant net : maladie, accident qui surviennent, départ du conjoint.
Il se peut, bien entendu, qu’il n’y ait aucune corrélation entre circonstances éventuelles heureuses et confirmation de la validité du processus psychothérapeutique ou, inversement, circonstances négatives et infirmation de cette validité.
Par contre, si l’on met parmi les coïncidences heureuses, un effet placebo qui tiendrait d’un miracle en survenant de façon autant impromptue que mystérieuse, c’est premièrement montrer son ignorance des phénomènes neuro-bio-chimiques qui ont lieu dans notre cerveau en réponse à la situation dans laquelle on se trouve au moment de la thérapie que celle-ci ait lieu sous forme de traitement de type physique ou psychologique; deuxièmement, c’est reconnaître, tout en l’ignorant, l’existence précisément de facteurs psychologiques intrinsèques induits par le processus psychothérapeutique. 
En médecine, l’effet « placebo » est attribué à de possibles phénomènes psychologiques quand on veut différencier, au sujet des effets de tel ou tel médicament, ce qui est attribuable au produit chimique lui-même et ce qui est attribuable à des bienfaits de nature psychologique comme l’attention qui est portée au patient et, ou l’attitude d’expectative positive dans laquelle ce dernier est placé puisqu’il y a promesse de soulagement de son mal (14) , alors effet « placebo » pour effet psychologique de la psychothérapie : c’est être redondant dans son expression et affectionner les pléonasmes ; car nous répondons par l’affirmative. Mais ce n’est ni miraculeux, ni mystérieux comme effet puisqu'il est tout simplement induit par ces changements neuro-bio-chimiques qui ont lieu dans le cerveau quand la personne est placée dans l’attente d’un soulagement de sa douleur!
C’est par ailleurs prendre en compte quelques-uns de ces facteurs situationnels à incidence positive inhérents à la relation psychothérapeutique qui ont été mentionnés supra, dont la qualité de la relation qui procède des dispositions des protagonistes, attitudes du côté de la personne consultante et aptitudes du côté du psychothérapeute, l’accent étant mis, entre autres, sur les attentes de la personne envers son thérapeute et dans sa thérapie d’une part et, d’autre part, l’intérêt et l’attention que ce dernier lui porte. 
Alors, nos détracteurs ne savent pas si bien dire : ils nous apportent, sans s’en rendre compte, la preuve de l’impact positif des facteurs situationnels sur le déroulement de la psychothérapie !

En résumé, on s’aperçoit que cette relation interpersonnelle tout à fait particulière qu’est la relation psychothérapeutique est influencée dans son bon ou moins bon déroulement par une série de facteurs autres et à ajouter à la qualité des modèles théorico-pratiques utilisés.
Nous avons différencié les facteurs situationnels inhérents à cette relation particulière qu’est la relation psychothérapeutique, soit les facteurs structurels et les facteurs psychologiques et les facteurs situationnels incidents ou aléas de la vie.
L’ensemble des facteurs situationnels inhérents à la relation psychothérapeutique dépendent du savoir-faire du psychothérapeute.
Ainsi, quand certains de nos critiques se mettent à comparer les psychothérapies dans leur contenu théorico-pratique respectif et en concluent que le succès d’une psychothérapie ne dépend pas tant de l’approche utilisée par le psychothérapeute que de la qualité de la relation psychothérapeutique, cette remarque est à méditer. 
Quoiqu'en partie inexacte car réductrice de la valeur du contenu théorico-pratique dans notre formation, la remarque a le mérite de mettre l’accent sur un ensemble de facteurs qui participent au processus psychothérapeutique, les facteurs situationnels.

NOTES:


1. Selon les problèmes présentés par la personne consultante, ses demandes, ses besoins, ses attentes et selon les instants thérapeutiques, emploi d’un ensemble de techniques en combinaison ou bien d’une seule, les modèles théorico-pratiques étant divers et variés. Se reporter à mon site www.therapieintegrative.com et à la précédente communication sur www.psycho-ressources.com « Les étapes dans le développement de la psychothérapie ».
2. On ne parle pas des cas nécessitant des médicaments psychotropes, des thérapies psycho-corporelles ou des thérapies utilisant des instruments comme le bio-feedback..
3. C’est bien entendu la force et le sens des mots qui est retenue par le psychothérapeute pour apaiser les plaies de l’âme. Le mot est l’onguent du thérapeute (voir Infra).
4. Car ils nous paraissent si évidents ou si bien acquis !
5. Il existe trois types de relations interpersonnelles: social, personnel et intime. On classe la relation thérapeutique, qu’elle ait pour objet le corps ou l’esprit, comme de type social. Or, la relation en psychothérapie peut sortir de son contexte socio-professionnel (problème du transfert et, ou du contre-transfert). Ceci est dû au contenu de la relation : soit l’intimité psychique de la personne consultante, un contenu verbal et non-verbal qu’elle partage avec le psychothérapeute.
6. Excepté ainsi que nous l’avons déjà remarqué dans les cas d’utilisation d’autres moyens techniques comme dans les thérapies psycho-corporelles ou par le bio-feedback.
7. Excepté dans les thérapies psycho-corporelles ou utilisation du bio-feedback par exemple.
8. Sur ce sujet du silence, nombre des personnes que j’ai reçues en consultation et qui avaient consulté auparavant avec un autre thérapeute me confiaient avoir interrompu leur psychothérapie car les silences de leur précédent thérapeute créait chez elles une immense gêne ; elles avaient fini par se sentir mal. Les interventions dans ces cas-là n’étaient donc plus psychothérapeutiques !
9. Temps thérapeutique : un des facteurs inhérents à tout processus de traitement, guérison ou résolution de problèmes de quelque nature qu’ils soient physiologiques ou psychologiques et ce, en dehors de la technique employée. Dans notre cas, en psychothérapie, c’est le temps qui rend compte du phénomène de maturation des idées, processus explicable concrètement par le temps que prennent les nouvelles inter-connexions synaptiques à s’établirent entre nos milliers de neurones au niveau cérébral.
Comme il en est de tout ce qui est vivant, et qui est pris dans un mouvement de poussée, de croissance. N’oublions pas que ce que l’on nomme par le terme général de psyché ou pensée ou perception mentale n’a de fait rien de virtuel. Chaque idée possède une structure chimique bien réelle qui est un agencement d’atomes parmi lesquels le carbone, l’oxygène et l’hydrogène qui se font et se défont au gré des stimulations des trois types, extéroceptives (informations données et reçues par les sens) ou du milieu externe, intéroceptives (informations données et reçues par les muscles, tendons, os, articulations, organes stato-récepteurs) et proprioceptives (informations données et reçues par les viscères) ou du milieu interne. 
La psyché est donc à elle seule un système, une structure vivante et dynamique qui évolue a) avec le nombre de ses neurones croissant et décroissant selon les structures cérébrales, selon le niveau de maturité atteint par ces structures et selon l’intensité de leur activité (pensons à nos hippocampes dont le nombre de neurones augmente en fonction de leur activité mnémonique), b) avec l’agencement neuronal modulable par interconnections dendro-synaptiques variables, c) avec le remplacement par fonction de substitution des quelques milliers de neurones qui meurent chaque jour après l’âge de quarante ans, d) avec une possibilité de régénération pour certains neurones. 
De notre naissance jusqu’à notre disparition, cette plasticité cérébrale de la psyché ou cerveau a lieu en fonction d’un certain nombre de facteurs, dont les facteurs temps, exigences du milieu, atteintes de l’organisme, comme il en est avec tout système vivant.
10. Comme sa motivation ou désir de résoudre ses difficultés et, ou la capacité de réflexion par exemple.
11. Nous ne parlons pas ici de ses connaissances intellectuelles et de sa formation académique.
12. D’autres parleront de sens caché des mots.
13. Le contre-transfert positif peut nuire à la progression de la thérapie en maintenant la personne dans un lien affectif de dépendance qui interfère avec l’acquisition de l’autonomie, l’un des buts les plus communément recherchés en psychothérapie
14. D’autres parleront de suggestion. Nous dirons avoir confiance en son thérapeute et dans la façon dont il traite les problèmes présentés par la personne consultante.


Dominique Brunet,Ph.D. Docteur en psychologie
Psychologue clinicienne et psychothérapeute, France
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