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Étapes dans l'évolution de la psychothérapie*
Dominique Brunet,Ph.D. Docteur en psychologie
Psychologue clinicienne et psychothérapeute, France

Étapes dans l'évolution de la psychothérapie

La psychothérapie, c'est-à-dire l'utilisation d'une technique psychologique dont le but, à l'origine unique, soit éradiquer des symptômes, a fait ses débuts avec l'hypnose [1].

D'abord en vogue à la fin du XVIIIième siècle, cette technique fut reprise par les aliénistes durant la seconde moitié du XIXième siècle pour le soulagement de ce que l'on appelait à l'époque hystérie.

Au XXième siècle, l'évolution des psychothérapies s'est faite en trois temps : avant la seconde guerre mondiale et après avec une troisième étape qui a pris toute son ampleur il y a quelque trente ans suite aux changements dans les mentalités au cours des années 1960-70. A ce moment-là, l'approche éclectique en psychothérapie commence à être utilisée par ceux et celles d'entre nous qui ont été formés à l'étude et à l'application non seulement des modèles théorico-pratiques classiques mais aussi des nouveaux modèles alors en pleine expansion.

Une quatrième étape est en voie de structuration car, d'une part, phénomènes sociétaux d'ampleur mondiale, à l'opposé l'un de l'autre sur le spectrum des conduites humaines, la recherche de la sérénité d'un côté et de l'autre, la gestion du stress sous toutes ses formes du stress au travail à celui éprouvé par les victimes d'agressions, d'attentats et de catastrophes naturelles, requiert un réajustement des techniques psychothérapeutiques alors que, d'autre part, les avancées extraordinaires en neuro-bio-psychologie vont, fort probablement, nous permettre d'inventer de nouvelles formes de psychothérapies. 

Première étape

Jusqu'à la seconde guerre mondiale, il n'y a que deux grandes théories psychologiques qui s'affrontent, l'une élaborée à partir de l'observation de cas cliniques et inventée par un médecin, Freud, la psychologie de type analytique ou psychologie des profondeurs et l'autre basée sur l'expérimentation animale et humaine, le behaviorisme, inventé par un psychologue, Watson, la part belle revenant, dans la pratique, à l'analyse quand comparée à la thérapie behaviorale, les disciples de ces deux options théorico-pratiques s'ignorant superbement excepté quand il s'agissait de stigmatiser l'autre, brandir les lacunes de l'«adversaire» tant dans l'élaboration théorique que dans les résultats obtenus dans la pratique.

Une deuxième étape apparut après la seconde guerre mondiale.

Durant cette période, suite au traumatisme laissé dans tous les esprits par la seconde guerre mondiale, on assiste alors à l'éclosion d'une multitude de nouvelles théories expliquant l'être humain, non plus uniquement à partir de ses états intérieurs, de son passé influençant son présent ou à partir de ses comportements conditionnés ou non en termes de réponses à des stimuli externes et internes, mais aussi en tenant compte de plusieurs facteurs jusqu'alors peu ou pas étudiés, parmi lesquels citons:

1) les relations de la personne avec ses milieux de vie, autant de systèmes en interaction entre elle-même et ce qui l'entoure, ces systèmes influençant sa façon d'être, penser, agir, exprimer ses souffrances, son mal-être selon le principe de rétroaction [2] alors que les façons dont elle communique verbalement et non-verbalement avec ces différents systèmes sont passées au crible de modèles théorico-pratiques idoines [3];

2) le rôle déterminant des systèmes de récompenses et de punitions selon des séquençages préférentiels dans la détermination des conduites et leur modelage [4] et, dérivant du behaviorisme, 

3) les fausses perceptions et les raisonnements fallacieux sont de même identifiés, étudiés comme autant de paramètres influençant tout en les conditionnant les façons de réagir puis d'agir de la personne vis-à-vis du monde alentour [5].

On fit alors d'une pierre, deux coups : à la fois, les psychologues et autres chercheurs étendaient ainsi le champ d'investigation de l'être humain; mais, en même temps, on ne se cantonnait plus uniquement dans la psychologie pathologique; on s'intéressa aussi et de plus en plus à celle de la personne dite normale aux prises avec elle-même et, ou avec le monde alentour.

Troisième étape.

En conséquence de l'exploration de ces nouveaux champs d'intérêt par des professionnels venant de disciplines différentes telles que la communication, la médecine et la psychologie et tous passionnés par l'être humain pour l' expliquer, donc le comprendre d'une part, dans sa normalité et, ou son anormalité et, d'autre part, non plus uniquement en situation d'isolement mais en interaction avec ses milieux de vie, tout ceci encore et toujours dans le but de lui venir en aide quand il souffre ou qu'il désire améliorer son état, de multiples techniques ont vu le jour, leur nombre ne cessant de croître depuis une trentaine d'années suite aux prises de conscience sociétales des années 1960-70 [6].

A l'heure actuelle, le vaste champ des techniques psychothérapeutiques n'est plus restreint à l'utilisation de pratiques faisant intervenir uniquement la psyché dans son état de déséquilibre; il s'étend à celui de pratiques s'appuyant de façon concomitante:

1) sur la psyché tant dans son état normal que déséquilibré et sur le soma tant dans son état normal que souffrant, les deux, psyché et soma, étant en perpétuelles interactions ( il est inutile de rappeler ici qu'on ne peut scinder le cerveau du reste du corps, le cerveau étant l'une des parties de ce corps)

2) tout en tenant compte des relations entre la personne et ses milieux de vie selon le principe de rétroaction [ 2 et 3]

3) alors que, phénomène d'évolution dans les mentalités oblige, on ne s'intéresse plus uniquement à guérir des symptômes mais aussi et concomitamment, à atteindre un parfait bien-être et la sérénité [7]. 

Quatrième étape.

A ce phénomène sociétal majeur concernant l'intérêt que l'on porte à soi-même dans le dépassement de la souffrance et du mal-être pour accéder à l'état de félicité, est apparu un autre phénomène qui va certainement faire évoluer encore plus rapidement la psychologie comme discipline scientifique et donc, fort probablement, notre pratique en psychothérapie: c'est l'extrême avancée dans les techniques d'imagerie fonctionnelle [8].
Ces nouvelles techniques quand appliquées à l'exploration du cerveau sont entrain de nous faire accéder à une connaissance des plus confondantes des mécanismes de la pensée humaine et de sa formation, loci et bases biochimiques qui rendent compte de nos idées, y compris les plus abstraites comme l'idée de croyance et l'idée de désir, après avoir identifié les loci et la chimie de notre sensori-motricité, de nos émotions (colère, joie, tristesse), de nos besoins, de nos comportements d'apprentissages et, entre autres fonctions cognitives, la mémoire, la motivation, l'attention. 
L'approche cognitivo-bio-psychologique de l'être humain en examinant ce qui se passe dans son cerveau va mettre fin aux mystères de la formation de la pensée et aux élucubrations phantasmatiques la concernant. Nous n'avons pas fini d'en apprendre sur nous-mêmes (sans parler des avancées dans la recherche en génétique) !

Le développement des connaissances en neuro-psycho-physiologie qui deviennent une des sources d'explication scientifique de nos pensées et de nos attitudes par des mécanismes physiologiques d'origine bio-chimique donne naissance à une nouvelle approche de l'être humain: ce qui va donner lieu à de nouvelles formes de thérapies.

En résumé, sans oublier les techniques complémentaires, les quatre modèles théorico-pratiques classiques [9] utilisés en psychothérapie auxquels nous ajoutons le modèle cognitivo-bio-psychologique qui est entrain de se structurer, chacun de ces modèles, par leurs apports à la connaissance de la personne, dans tous ses états du sain au morbide, devraient pouvoir se conjuguer entre eux et non s'ignorer les uns les autres car, au-delà d'une démarche heuristique commune, leur but reste identique: parvenir à guérir, à vivre mieux et, ou bien vivre. 

Le modèle clinique en psychologie [10], modèle vieux de plus d'un siècle, basé à la fois sur l'observation de la personne d'abord dans son état pathologique puis dans ses deux états, normal et pathologique, sur la réflexion et sur l'expérimentation, reste un modèle plus vivant que jamais depuis la reconnaissance à leur juste valeur des thérapies cognitivo-behaviorales et maintenant grâce aux extraordinaires avancées dans l'exploration du cerveau dans son état physiologique normal ou atteint, sans oublier bien entendu, la très utile quand on veut se bien connaître sinon indispensable quoique diversement appréciée analyse en profondeur.

Par contre ce modèle a évolué au fil des ans dans sa conception et ses applications puisque l'on s'intéresse autant à la personne psychologiquement perturbée qu'à la personne dite normale. En étendant son champ d'investigation et de pratique du pathologique au normal, la psychothérapie est sortie de sa sphère essentiellement médicinale mais restreinte des temps passés [11].

En parallèle à ce modèle clinico-psychologique et l'accompagnant, depuis une cinquantaine d'années, un modèle philosophico-psychologique, d'essence humaniste-existentielle, lui-aussi basé sur la réflexion et sur l'observation de la personne dans ses interactions avec le monde extérieur et ses systèmes, a été développé [12], ce dernier modèle ayant donné lieu à de nouvelles techniques [2 et 3].

* Résumé de chapitre consacré à l’évolution de la psychothérapie dans un ouvrage non publié sur la psychothérapie éclectique intégrative. A consulter aussi sur le site
www.therapieintegrative.com


NOTES:
[1] L’hypnose était pratiquée depuis le XVIIIième siècle avec FA Mesmer, médecin autrichien. Mais ce fut JM Charcot, neuropathologiste à la Salpêtrière qui, dans les années 1880, remit cette méthode de traitement en vogue dans les cas d’hystérie.
[2] Thérapie systémique développée par Jay Haley, Virginia Satir, Salvador Minuchin, les deux premiers firent partie de la célèbre école de Palo Alto. La thérapie systémique s'inspire de la théorie des systèmes développée par Von Bertalanffy.
[3] Analyse transactionnelle, Gestalt, PNL, thérapies de groupe.
[4] Expériences de B.F.Skinner, psychologue, sur le conditionnement opérant et ses applications pratiques en "behaviour modification"ou thérapie behaviorale. 
[5] Thérapie cognitive inventée sous le nom de Rational Emotive Therapy par Albert Ellis, un psychologue et reprise sous les termes cognitive ou cognitivo-behaviorale par un médecin, Aaron Beck.[6] Plus de cent cinquante type d'approches sont répertoriées sur le site : www.mieux-etre.org/ . Les approches sociétales nouvelles correspondaient au courant humaniste-existentielle, c'est-à-dire à la vie au présent, ici et maintenant, à la mode du "Love and Peace" avec tout le monde est beau et gentil, et plus récemment, à la recherche du mieux-être puis du bien-être et même de la sérénité d'influence boudhique.
[7] Profusion de techniques venues d'Extrême-Orient, Inde, Chine, Mongolie tels que : Ayurveda, Tantra, Yoga, Tai-Chi-Chuan, QI Gong, Feng Shui, Chamanisme, etc..., sans oublier la technique de bio-feedback qui fut développée durant les années 1950-60 aux USA après observation des prouesses yogiques dans le contrôle des réponses physiologiques autonomes.
[8] Citons, entre autres techniques d'imagerie fonctionnelle, la tomographie par émission de positrons. En exemple, concernant l'idée la plus abstraite qui soit, celle de la croyance, on vient d'apprendre suite aux travaux de neurobiologistes que le degré de religiosité et donc la propension à croire en un Dieu dépendrait, entre autres possibles neuromédiateurs participants, d'un taux élevé de sérotonine libérée au niveau des synapses. L'idée de Dieu donc n'existerait dans le cerveau humain que grâce à un taux particulier d'un ensemble de neuromédiateurs, les conditionnements culturels, donc de type cognitif, faisant le reste dans la croyance en une puissance extra-terrestre. Voir, p.50 « Notre cerveau est programmé pour croire » Sciences et vie, n°1055, août 2005.
[9] Analytique, behavioral, systémique, humaniste-existentiel.
[10] Le terme clinique n’est pas utilisé dans son sens étymologique de soins apportés à une personne alitée mais dans un sens très large d’intérêt que l’on porte à l’être humain en vue de l’aider.
[11] pour aborder tous ses domaines d'investigation du psycho-physiologique qui demeure certes, au développement personnel en passant par une foultitude de sphères, organisationnelle, socio-professionnelle, conjoncturelle, cognitive etc... .
[12] Voir les écrits de Carl Rogers dont le célèbre "Client-Centered Psychotherapy".


Dominique Brunet,Ph.D. Docteur en psychologie
Psychologue clinicienne et psychothérapeute, France
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